Installez-vous confortablement, on vous emmène revivre nos aventures dans ce pays à cheval entre l’Orient et l’Occident. Des lacs de soude aux volcans enneigés, des villes merveilleuses aux plaines désertiques, laissez-vous porter !
Marie & Romain
29 mai 2024 – 3 juillet 2024
35 jours – 13 étapes
1095 km – 11 150m D+

Chapitre 1
La découverte
C’est par la mer que nous arrivons en Turquie, le 29 mai 2024, dans la ville côtière d’Ayvalık (Ayvalik), tout à l’ouest du pays. Toujours accompagnés de Xavier, nous passons sans problème le poste frontière et, alors qu’on en sort, prenons notre première goulée d’air turque ! Un nouveau pays, une nouvelle culture…on a hâte !
Nous roulons quelques centaines de mètres en ville à la recherche d’un distributeur. La lumière du couchant dore les bâtiments qui, s’ils ne sont pas délabrés, ne sont plus de première jeunesse. Une odeur âcre de déchets brûlés flotte dans l’air, poussée par le vent venant des terres. Les voitures roulent un peu fort mais font attention à nous. Il y a peu de piétons et, après avoir retiré notre liasse de billets de lire turque (1 TRY = 0,03€ en ce moment), notre première discussion sera avec le gérant du camping, un vieux monsieur qui, surprise, parle parfaitement anglais.
Globalement, la plupart des Turcs connaissent quelques mots de la langue de Shakespeare mais le plus gros des conversations se fera avec l’aide de Google Traduction et, bien sûr, de la langue des signes improvisée.
Nous arrivons un peu tard au camping, le soleil tombe vite ici : 19h30, soit une heure de plus qu’en France, et c’est déjà le crépuscule. On file se coucher après une bonne assiette de pâtes.
Durant les 3 jours suivants, nous pédalons en direction du Nord-Est pour rallier la ville côtière de Bandırma (Bandirma). Après un bref passage le long de la riche et touristique côte méditerranéenne et un premier restaurant trop cher (le gérant a dû se dire, « V’là des touristes ! »), nous nous enfonçons dans les terres. La région est montagneuse et agricole. Les gens, éparpillés dans de petits villages dignes de la France rurale des années 50, vivent du fruit de leur travail. Le paysage est vert, de grandes forêts de feuillus s’étendent à perte de vue, de petites cultures de céréales, du maraîchage et de grandes prairies où paissent quelques vaches, chevaux et moutons complètent le tableau. Sur les routes, on retrouve nos vieilles voitures européennes, notamment la Renault R12, et dans les villages, les camions de tournée rythment la semaine : chaussures, épicerie, pain, fruits & légumes, matériel de bricolage, etc.
La population est plutôt âgée. Les hommes, bien habillés, chemise, gilet, pantalon, casquette ou béret et jolies chaussures, se retrouvent au café, toujours non loin de la mosquée, avant et après la prière pour partager un çai (le thé turc traditionnel). Les femmes, grandes absentes de l’espace publique dans les villages, restent au foyer : elles cuisinent, jardinent, s’occupent de la famille et balayent constamment le pas de la porte et les alentours de la maison, zigzaguant entre les poules, coqs, oies et canards laissés en liberté, et utilisant un balai fait de paille sans manche, ce qui les obligent à plier les genoux, courber le dos et poser le coude dont la main est libre sur le genou du même côté. Généralement, elles prient moins souvent que les hommes, en tout cas elles ne peuvent pas se rendre dans l’espace de prière principal de la mosquée, réservé aux hommes. Un balcon fermé ou une salle attenante leur est attribué et elles s’y rendent généralement en-dehors des heures de prières.
Les enfants sont peu nombreux et, après l’école, se divisent en deux groupes : les garçons jouent au foot, dans la rue ou, s’il y en a un, sur le terrain municipal qui consiste généralement en un pré et 3 barres de métal soudées ensemble pour les cages, et les filles…disparaissent à l’intérieur des maisons. Nous en avons parfois vu qui se regroupaient pour discuter et rire, assises sur un muret ou le rebord d’une fontaine mais rarement nous les aurons vu jouer. La plupart des jeunes adolescent.e.s ont des téléphones mais ils ne l’utilisent pas autant qu’en Europe. Et quant aux jeunes…eh bien il n’y en a pas, hormis ceux qui travaillent aux champs, pour la plupart issus de l’immigration, comme ce jeune afghan qui nous offre des fraises pour notre petit-déjeuner.
Sur le vélo, c’est dur : il fait (très) chaud, et ça grimpe fort, mais nous avons de l’eau à volonté car on trouve une fontaine tous les 500m le long de la route. C’est de l’eau de source, elle est fraîche et potable.
Dans la religion musulmane, peu après un décès, il est de coutume que la famille offre à la communauté et aux voyageurs de quoi se désaltérer et se laver pour effectuer les ablutions avant la prière. Ce n’est pas un acte désintéressé puisque chaque personne qui viendra se désaltérer ici donne un ḥasanāt au défunt, une « bonne action », qui comptera dans la balance lors de son jugement divin et lui permettra peut-être d’accéder au paradis. C’est pourquoi nous trouvons, dans cette région tout du moins, autant de point d’eau gratuit.
L’eau n’est pas potable au robinet en Turquie (pas partout en tout cas, et nous ne testerons pas les limites du « pas partout ») et plus tard, dans des régions bien plus arides, où l’eau ne coule pas naturellement, nous nous contenterons de l’eau en bouteille que l’on peut trouver dans de petits magasins, appelés « Mini-markets » et que chaque village, quelle que soit sa taille, possède. Petite anecdote, on nous distribue dans les hôtels et restaurants des « pots » d’eau individuels, qui ressemble très fort à nos pots de yaourt…mais rempli d’eau ! Pas très optimisé en termes de déchets plastiques et quand on voit tous les résidus de cette matière en liberté dans la nature (surtout des sacs de course, on nous en donne constamment, dès qu’on achète le moindre paquet de riz ou 2 tomates), on se dit que c’est bien dommage que ce sujet ne soit pas plus préoccupant pour les Turcs. Mais ça viendra.
Les Mini-markets jalonnent également les grands axes routiers et, outre de l’eau et toute autre boisson (sauf de l’alcool), on y trouve des barres de céréales chocolatées, des bonbons, des biscuits, quelques conserves, un peu de produits d’hygiènes, et, parfois, des fruits et légumes, mais c’est rarement le cas. L’alcool n’est pas interdit en Turquie, il est prohibé par la religion musulmane. On trouve toute sorte de bières, vins et spiritueux dans les bars et la plupart des restaurants, mais il faut se rendre en supermarché (et avoir plus de 18 ans) pour en acheter. À la télé, les verres d’alcool sont floutés. Quant aux fruits et légumes, nous aurons du mal à correctement nous approvisionner dans les magasins et supermarchés, beaucoup de Turcs ont leur propre jardin et les autres se rendent au marché. De plus, les produits d’épicerie dans les magasins sont vendus le plus souvent en très grosse quantité (1 kg minimum, ce qui ne nous arrange pas !).
Le deuxième jour de notre périple est, justement, jour de marché dans le petit village de Pazarköy. Nous en profitons pour faire le plein de provisions : pâtes, sauce tomate, pain, olive, noix de cajou, biscuits, tomates, abricots, fruits secs, et quelques cerises dont on se régalera immédiatement, car elles n’auraient pas survécu au trajet sur le vélo jusqu’à notre pause pique-nique.
Le troisième jour, après une longue descente, nous quittons les montagnes et retrouvons des routes plates. De très grands champs de céréales s’étendent à perte de vue et, après une petite pause au bord du lac Kuç Gölü (Gölü = lac) pour observer les flamands rose, pélicans et autres hérons, nous atteignons Bandirma vers midi. Nous allons immédiatement acheter nos billets de bateau pour Istanbul et allons ensuite déguster un excellent döner kebab.
Il y a une multitude de recettes de kebab en Turquie. Nous français, ne connaissons pour la plupart que le Döner, démocratisé en Europe par les Allemands dans les années 70, où le cuisinier racle la viande (agneau, poulet ou mouton) cuite sur une broche verticale. Mais en Turquie, tout plat contenant de la viande grillée est appelé Kebab, et chaque région, chaque ville, a sa spécialité. Nous en dégusterons donc de toute sorte, Adana kebab, Şiş kebab, Urfa kebab, etc. un délice !
Et c’est donc rassasiés et avec un stock de baklava, une pâtisserie à base de pâte filo, de noix ou, comme ici, de pistache, et de miel, pour le goûter du Xav’ (« le goûter, c’est sacré ! ») que nous prenons notre navette maritime pour traverser la mer de Marmara et rallier Istanbul !






















Chapitre 2
Istanbul
Et c’est donc également par le bateau que nous arrivons à Istanbul le 1er juin. Cela faisait longtemps qu’on avait repéré cette liaison Bandirma-Istanbul, qui nous permet d’éviter une bonne centaine de kilomètres de banlieue et de mauvais trafic. De plus, le port n’est qu’à quelques kilomètres du centre historique. Quelques kilomètres ? Le compteur nous affiche 2997km et nous ne résistons pas à l’envie d’aller voir Hagia Sophia, alias Sainte-Sophie, avant de rallier notre petit appartement Airbnb… Un bout de piste cyclable, une petite montée sèche et nous arrivons au milieu des touristes, devant la fameuse mosquée, symbole de la ville…et la magie opère ! 3000km ! On est très ému de clôturer la partie européenne de notre voyage, on se rend compte maintenant qu’un nouveau voyage commence.
Après la photo souvenir, nous nous dirigeons vers notre appartement, à une dizaine de kilomètres au Nord-Ouest. Le quartier, populaire, est calme, et notre appartement, confortable. Il a été rénové récemment mais, et c’est un fait qui se verra confirmé tout au long de notre voyage en Turquie, les finitions et l’entretien ne sont pas soignés (les plinthes sont mal posées, les portes ne ferment pas la robinetterie est entartrée, etc.). Par contre, il y a des moulures au plafond ! Nous sommes contents d’avoir la climatisation, car il fait très chaud, mais nos voisins du quartier n’ont pas cette chance. Comme toutes les bâtisses aux alentours, le bâtiment est un vieil immeuble de 2 ou 3 étages. Nous avons en tête la discussion passionnante que nous avions eue avec Béné, une cyclovoyageuse rencontrée à Athènes et qui a fait une thèse sur les risques de tremblement de terre en Eurasie. Elle nous a parlé du très fort danger existant pour Istanbul, et, en voyant tous ces vieux immeubles, nous comprenons qu’un tremblement de terre trop important pourrait tout ravager…
Nous prenons le temps de nous installer avant d’aller fêter notre arrivée dans un petit restaurant du coin. Le lendemain et le surlendemain seront constitués de repos, de mécanique vélo, d’une visite guidée du centre historique très intéressante et d’un tour en bateau de nuit sur le Bosphore, tout cela entrecoupé de bons repas, au restaurant ou mitonnés à l’appartement avec ce que nous avons trouvé en magasin et au marché.
Nous visitons ensuite Sultanahmet, la mosquée bleue surnommée ainsi en raison de la couleur de ses céramiques qui ornent ses murs intérieurs. Le sultan Ahmet Ier l’a faite construire au début du XVIIème siècle avec six minarets, ce qui était jusqu’à présent le seul privilège de la mosquée Ka’ba, à la Mecque. Pour apaiser les esprits face à cette insulte envers la grande mosquée sainte, le sultan paya la construction d’un septième minaret pour cette dernière…Malin ! Les visites des mosquées du pays sont gratuites (à l’exception de Hagia Sophia mais on y reviendra), la seule règle étant de respecter les lieux et les croyants : pas de visite à l’heure des prières et le code vestimentaire demande que les femmes portent un voile sur les cheveux et que leurs jambes et leurs bras soient couverts. Les hommes doivent porter un pantalon et à minima un tee-shirt qui cache les épaules. Les chaussures doivent être enlevées à l’entrée, pour éviter de salir la moquette. La mosquée est magnifique, avec son sol rouge vif, ses fresques florales en céramique et ses piliers massifs, supportant le dôme principal qui s’élève à 43m de hauteur.
Puis, nous nous dirigeons vers le Grand Bazar. C’est un gigantesque marché couvert, dédale de ruelles où les tout petits commerces s’entassent et dont les vendeurs rivalisent d’audace et de techniques de marchandage pour vendre leurs produits au meilleur prix. Ils sont répartis par quartier : le quartier du cuir, des épices et du thé, des tapis et du textile, etc. L’ambiance y est incroyable et les odeurs du cuir et des épices ajoutent à l’immersion. Romain achète quelques loukoums, sucreries typiquement turques qu’il adore.
Nous ressortons ravis de ces visites et, après un énième kebab, nous disons aurevoir à Xavier qui part à la gare routière prendre un bus pour Sofia, en Bulgarie. Il rentrera ensuite à Mouthe, tout en vélo et en un mois ! Les 2 frangins sont en pleurs. Beaucoup d’émotions résulteront de ces aurevoirs, Xav’ était le dernier membre de nos 2 familles à nous rendre visite. Le chemin est encore long mais nos familles et nos amis nous manquent déjà ! Nous voilà de nouveaux à deux et, si nous avons apprécié partager un bout de route, nous sommes également heureux de repartir à l’aventure ensemble. On ne se dispute pas, on ne se lasse pas, on rigole bien et on se remonte le moral, on est bien tous les deux !
Nous passons encore quelques jours à Istanbul. On se repose, on appelle nos proches, alimentons nos réseaux, mangeons des salades maisons, regardons quelques One Piece, recousons, réparons, lavons et continuons de visiter cette ville merveilleuse.
Istanbul, auparavant appelée Byzance puis Constantinople, est une mégapole de 16 millions d’habitants. Située sur le détroit du Bosphore, et riche de milliers d’années d’Histoire, de conquêtes et de reconquêtes, c’est une ville à la croisée des cultures et des civilisations. Elle est cosmopolite, insomniaque…et bien trop grande pour nous ! Même si les transports en commun y sont bien développés, il faut tout de même plusieurs heures pour traverser la ville d’un bout à l’autre. Aussi grande que Paris et son agglomération, mais avec 5 millions de personnes en plus, c’est la plus importante ville de Turquie, en nombre d’habitants et en taille. Et finalement, nous n’en visiterons qu’une minuscule partie !
Ses habitants vivent dehors. Dans le quartier de notre appartement, les familles mangent sur des tapis sur le pas de la porte, les enfants jouent dans les rues, tout le monde discute avec tout le monde, assis sur des chaises au milieu du trottoir. Au centre-ville, de très nombreuses familles se retrouvent au frais, dans les parcs, pour pique-niquer et laisser les enfants jouer. Elles y restent toute la journée, jusqu’à très tard le soir. De nombreux pêcheurs tendent leurs lignes depuis les ponts, entre les centaines de bateaux qui circulent sur l’eau. Des marchands ambulants vendent des simits (sorte de petit pain de sésame en forme de bretzel), des épis de maïs chaud et du çai bien sûr. Il n’y a quasiment pas de mendiants à Istanbul mais des gens vendent des petits paquets de mouchoir, des bouteilles d’eau ou des bracelets, assis dans le coin d’une rue. Chaque mètre carré est optimisé, même les passages sous-terrain pour accéder au métro ou traverser un grand axe accueillent des stands de vêtements, de montres, de loukoums, de jouets, de cigarettes. Les commerces, barbiers (très nombreux), restaurants, mini-markets, sont ouverts tous les jours et jusque très tard le soir. Ce sont des éternels mouvements, bourdonnements et parfums qui nous assaillent de toute part.
Nous continuons la visite du centre-ville historique par Hagia Sophia. Cette église chrétienne, l’une des plus grandes et des plus prestigieuses de la chrétienté jusqu’au XVème siècle, se verra épargnée des pillages et de la destruction sur ordre du sultan Mehmet II et sera transformée en mosquée après la prise de Constantinople par l’empire Ottoman en 1453. Cette transformation nécessita de couvrir les riches mosaïques du Christ, des Saints, etc. car toute image figurative est interdite par l’Islam. De plus, le somptueux mihrab, qui indique la direction de la Mecque, n’est pas « aligné » avec le reste de la structure, l’axe de l’église étant tourné vers l’orient. En 1934, sous l’impulsion du premier président de la République de Turquie Mustafa Kemal Atatürk qui souhaite laïciser le pays, la mosquée est désanctifiée et devient un musée. Plus récemment, en 2017, les autorités turques expriment le souhait de transformer de nouveau Sainte-Sophie en mosquée, et, malgré les nombreuses condamnations de la communauté internationale, le chef de l’État Recep Tayyip Erdoğan assiste à la première prière du vendredi depuis 86 ans en juillet 2020. De nos jours, Sainte-Sophie est donc une mosquée mais son premier et unique étage est ouvert aux visiteurs pour la modique somme de 25 € ! On trouve le prix un peu cher pour simplement faire le tour des balcons, mais les mosaïques, couvertes par un voile pour qu’elles soient invisibles depuis l’espace de prière, sont très belles. Et nous sommes heureux d’avoir pu entrer dans ce lieu chargé d’histoire.
Après Sainte-Sophie, nous nous dirigeons vers le palais Topkapi, qui fut la résidence des sultans du XVème au XIXème siècle. Arrivés au guichet, nous sommes estomaqués par le prix qu’on nous demande : 50€ par personne ! Là, c’est trop, et on fait demi-tour. Nous apprendrons plus tard que le prix pour les visiteurs étrangers a triplé en 2 ans.
Déçus, nous prenons la direction du Bazar aux épices, aussi nommé le Bazar égyptien. À peine moins touristique que le Grand Bazar, les prix y sont un peu plus justes. Nous prenons plaisir à marchander (avec plus ou moins de succès) des souvenirs pour nos proches que nous emballons ensuite soigneusement dans un carton avant de les laisser au bon soin de la poste turque, la PTT.
L’avant-dernier jour, nous allons flâner dans le quartier Galata, un quartier historique qui se transforme petit à petit en quartier chic. Très touristique, il est rempli de bars, restaurants et centres commerciaux. Un petit tramway traverse sa principale rue piétonne d’un bout à l’autre, avertissant les passants d’un son de cloche cristallin. C’est dans ce quartier que nous avons repéré un musée pas comme les autres : une jeune femme, la trentaine pas plus, a ouvert sa collection de figurines de manga aux visiteurs. Et quelle collection ! On passe plus d’une heure à s’émerveiller devant des dizaines et des dizaines de figurines, notamment devant les plus travaillées d’entre elles, dont il n’existe pas plus de dix exemplaires au monde, qui demandent des centaines d’heures de travail et qui coûtent les yeux de la tête…elle est si jeune, mais où a-t-elle trouvé tout cet argent !!? Nous partageons cette passion commune de la culture nippone avec Romain, ce n’est pas pour rien que le Japon est notre destination, et cette petite parenthèse nous fait du bien ! D’ailleurs, c’est de là que vient notre nom « Bike Romance Dawn », car « Romance Dawn », qui signifie « À l’aube d’une grande aventure » est le titre du premier chapitre de One Piece, notre manga préféré. On achète un jeu de carte et, sortis du musée, l’inaugurons avec une partie de bataille enflammée, sur un rooftop avec, pour moi, un verre de rosé et pour Romain, une bière.
Ainsi se termine notre séjour à Istanbul. Nous bouclons nos bagages et prenons la direction de la gare routière d’Esenler, où nous ferons l’énorme erreur de commander un kebab avant notre bus pour Ankara. Même dans son pays d’origine, un kebab de gare reste un kebab de gare et le très mauvais goût de la viande nous restera longtemps dans la bouche…beurk !
















































Chapitre 3
Amitiés
Le bus arrive et nous nous présentons avec nos vélos devant la soute. L’assistant du chauffeur grimace et nous fait comprendre que nos vélos vont prendre beaucoup de place et donc qu’il faudrait payer un petit supplément…nous marchandons pour qu’il baisse le prix à 400TRY (soit 10€). Nos billets disparaissent immédiatement dans sa poche. Partis à 14h d’Istanbul, nous arrivons à 22h, avec 1h de retard, à la gare routière d’Ankara, où Burak, notre hôte Warmshower, a eu la gentillesse de venir nous chercher (à vélo bien sûr) ! Il est tard et il fait nuit depuis longtemps déjà. Nous roulons sur un gros axe routier pendant de longues minutes et, après une belle côte, nous arrivons chez notre hôte. Il nous aide à monter nos affaires et arrivons dans son appartement. Ou plutôt dans leur appartement. Fatma, sa chérie et, nous l’apprendrons plus tard, sa femme depuis peu, nous accueille avec un grand sourire. Ils sont plus jeunes que nous, Burak, qui parle bien anglais, s’occupe de la traduction pour Fatma et nous passons une belle soirée à discuter autour d’un excellent repas fait maison. Puis, ils nous montrent notre chambre : ils nous ont préparé un vrai lit ! Quel accueil !
Le réseau Warmshower, que nous avions déjà utilisé à Athènes, est un réseau d’accueil cycliste répandu dans le monde entier. Des personnes se proposent d’accueillir gratuitement des voyageurs cyclistes pour la nuit, que ce soit en leur prêtant un bout de jardin pour poser la tente, quelques mètres carrés dans le salon pour étendre un matelas gonflable, comme c’était le cas chez Thibault ou, rêve secret de tout invité, en préparant un bon lit douillet. Ajoutez à cela la légendaire hospitalité turque et vous obtenez notre séjour parfait chez Burak et Fatma : un appartement propre et magnifique, un bon lit, un repas déjà tout prêt…waouh ! Nous dormons comme des bébés jusqu’au lendemain matin. Burak et Fatma sont déjà partis au travail, ils sont fonctionnaires dans l’éducation nationale, mais ils ont pris le soin de nous laisser des clés et de quoi nous préparer un bon petit déjeuner.
Nous prenons notre temps et quittons l’appartement vers 10h. Il fait très chaud. L’ambassade de France n’est qu’à quelques kilomètres et nous nous y rendons pour faire nos procurations pour les législatives. Puis, nous allons visiter un parc non loin d’ici dont, apparemment, les habitants d’Ankara sont très fiers. En effet, il est très beau mais…il est minuscule ! Pour nous rafraîchir quelques minutes, nous nous rendons dans un centre commercial non loin. Il est entièrement tourné vers le mariage : costumes, chaussures, bijoux et surtout des robes. Plein de robes, de toutes les couleurs, le blanc n’est pas la norme. La grande majorité sont « clinquantes », elles brillent et elles prennent de la place ! Tout au long de notre chemin, nous croiserons beaucoup de couples qui font leurs photos de mariage dans un joli endroit. Ici, on se marie jeune, et on divorce peu. Il n’y a pas grand-chose à voir à Ankara, c’est une ville très récente, alors nous retournons tranquillement à l’appartement nous reposer en attendant Burak. Celui-ci revient vers 17h et nous amène en voiture chercher Fatma à son travail, puis nous allons déguster tous ensemble un délicieux Adana Kebab.
La discussion est facile avec eux et nous passons à nouveau un excellent moment. Ils nous parlent de leur mariage, 2 fêtes consécutives avec, en tout, plus de 1000 invités, ce qui est normal en Turquie. On discute de vélo, des études, de voyage, un peu de politique, car nous sommes chamboulés que l’extrême droite ait obtenu un score aussi haut aux européennes. Eux, n’ont connu qu’un seul Président depuis qu’ils sont nés, Erdogan, et comme une bonne partie de la population, sont en total désaccord avec le gouvernement, alors préfèrent ne pas se tenir trop informés de ce qu’il se passe dans la politique dans leur pays. Sans parler de la propagande médiatique qui biaise toute information. Ils nous expliquent également que le pays traverse, depuis plusieurs années déjà, une crise économique sans précédent. Leur loyer à été multiplié par 8 en 2 ans. Leur salaire a été augmenté en conséquence mais pas au même point que l’inflation. Impossible pour eux d’acheter le moindre bien en ville, pourtant, ils nous expliquent qu’ils sont dans le haut du panier de la classe moyenne.
Malgré nos protestations, ce sont eux qui nous payent le restaurant. Dans la culture turque, et musulmane en générale, l’invité n’a pas à remercier l’hôte sous quelque forme que ce soit. C’est un honneur pour un Turc que de recevoir un voyageur, et ce sont même eux qui nous remercieront à la fin de notre séjour. C’est contraire à tout ce qu’on apprend chez nous mais on comprend qu’on risquerait de les blesser si nous insistons pour payer. Nous nous dirigeons ensuite vers un bar pour partager un verre et nous amusons à trouver des mots similaires dans la langue turque et la langue française, comme camion, plateau, accessoire (qui s’écrit « aksesuar »), etc. On rigole bien. On leur montre des photos de nos familles et de notre chez-nous, ce qui les rend heureux. On les quitte le lendemain matin, tôt, avec des larmes dans les yeux.
Merci Burak et Fatma ! C’est pour faire de telles rencontres que nous avons quitté notre confortable chez-nous…





Chapitre 4
Le regard brûlant du soleil
S’en suit un périple de 340km et 3500m de dénivelé positif en 4 jours jusqu’à Gorëme, une ville au cœur de la Cappadoce. La sortie d’Ankara est difficile, car très grimpante. Nous sommes à plus de 1000m d’altitude mais il fait pourtant extrêmement chaud.
Durant ces 4 jours, nous traversons de grandes étendues de « rien » : cultures à perte de vue, puis un immense plateau où l’herbe rase peine à nourrir quelques moutons, puis de nouveau des champs immenses. Seuls quelques kilomètres autour de la ville d’Ortaköy, le 3ème jour, seront plaisants, car nous retrouverons un peu de verdure. Tous les jours, nous partons au lever du soleil à 4h30, car il nous est impossible de rouler après 12h. La chaleur est trop forte. L’ombre est totalement absente de ce périple. Aucun arbre ne pousse ici, le mot forêt n’a pas lieu d’être. Nous devons faire attention au goudron, il fond et se colle à nos pneus.
Alors nous visons les quelques villages pour nous ravitailler en eau et en nourriture, et pour nous reposer sous les seuls arbres de la région : ceux qui ont été plantés à côté des mosquées. En effet, il y a toujours une petite table de pique-nique, un peu de verdure et des toilettes (nécessaires pour les ablutions) non loin du temple. Le premier jour, alors que nous nous reposions justement dans le petit parc de la mosquée du village, l’imam nous invite à dormir dans un petit bâtiment annexe, qui sert de salle de classe religieuse aux enfants. Nous acceptons avec gratitude et, après avoir pris un semblant de douche dans les toilettes (qui, malheureusement, ne sont jamais d’une grande propreté), nous préparons un bon plat de pâte pour le dîner. L’imam revient pour la prière du soir et discute un peu plus longuement avec nous, enfin surtout avec Romain, moi je me tiens légèrement en retrait, ce qui semble lui convenir. Il s’appelle Ramazan. D’une quarantaine d’année, il est l’imam du village, mais il a un autre métier en parallèle, paysagiste. En tant qu’imam, il doit être présent à la mosquée pour les 5 prières quotidiennes dont les horaires sont calculés en fonction du soleil, et qui se situent aux environs de 4h, 9h, 14h, 19h et 22h. Son rôle est de guider les fidèles dans la prière mais aussi de les écouter et les conseiller dans leur quotidien, d’éduquer les enfants à la religion et d’accueillir les voyageurs. Il nous explique que les pratiquants doivent se laver les mains, les pieds et le visage avant chaque prière car ces dernières s’effectuent à genoux, les mains et le front à terre, sur les tapis. Les ablutions sont donc primordiales pour l’hygiène de chacun. Chaque prière est précédée de l’appel à la prière, un chant religieux en arabe, la plupart du temps préenregistré par l’imam et diffusé dans le village par des haut-parleurs de mauvaise qualité fixés sur le minaret et sur quelques lampadaires éloignés. Une coupure d’électricité empêchera l’appel d’être diffusé pour la prière de 22h alors Ramazan chantera de tous ses poumons devant la mosquée.
Le lendemain, à 4h, nous le remercions chaleureusement et partons pour notre plus grosse étape : 120km jusqu’au lac salé nommé Tuz Gölü (ce qui signifie… « lac salé »). La matinée est longue, nous souffrons de la chaleur sans pouvoir nous reposer, car nous ne trouvons pas d’ombre et la sensation de chaud est encore pire à l’arrêt. Les quelques villages que nous croisons sont vraiment pauvres et nous avons du mal à nous ravitailler en eau. Nous croisons quelques troupeaux de moutons et leurs énormes gardiens canins, les bergers d’Anatolie. Ils sont aussi gros que des poneys, avec une gueule garnie de crocs brillants, et portent des colliers hérissés de pics, ce qui empêche les loups de leur sauter à la gorge. Ces chiens nous font vraiment peur mais, une fois descendus de vélo et leur intimidation terminée, ils nous laissent passer sans encombre…ou(a)f.
Nous roulons jusqu’au dernier village avant le lac salé et vers 13h, nous nous affalons, épuisés, sur 2 chaises d’un tout petit restaurant. Le patron n’avait pas prévu d’avoir des clients aujourd’hui et ne peut que nous servir 2 wraps chacun. On est au frais et on a de l’eau, alors on est content quand même. Ça faisait bien longtemps que le petit village n’avait pas eu de visiteurs et nous sommes l’attraction de la semaine. Les enfants nous observent, le nez collé à la vitre. Les jeunes viennent nous parler, une adolescente me demande si Romain est mon chéri ou mon mari. Une des institutrices de l’école parle anglais et s’occupe de la traduction. Après avoir assouvi la curiosité de nos hôtes, nous nous dirigeons vers la mosquée pour nous laver succinctement car nous sommes couverts de sel à force de transpirer. Nous allons ensuite nous allonger sous les quelques arbres pour une longue sieste. Il nous reste 10km avant le lac salé, où nous voulons bivouaquer, mais il est hors de question de s’y rendre dès maintenant. Nous savons que là-bas, il n’y aura pas d’ombre et que le soleil sera brûlant. Même à l’ombre des arbres il fait très chaud et nous avons du mal à nous reposer. Nous repartons vers 18h après avoir fait le plein d’eau et avoir rempli notre « douche ». Nous avons une vache à eau, d’une capacité de 5L, dont nous nous servons pour prendre des douches lors de nos bivouacs, à condition bien sûr, de trouver de l’eau. Une fois remplie, Romain la pose sur son porte-bagage arrière et nous pouvons rouler jusqu’à notre lieu de bivouac avec la promesse d’une bonne douche, ce qui n’a pas de prix ! Jusqu’à présent depuis le début de notre voyage, nous nous sommes toujours couchés propres, une habitude que nous nous imposons, et qui de toute façon nous est primordiale à tous les deux, un « caprice » dont on sait qu’il peut paraître secondaire pour d’autres cyclovoyageurs.
Le Tuz Gölü est une grande étendue blanche, qui s’étend à l’infini. C’est le deuxième plus grand lac de Turquie, sa superficie est de 1600km2 soit 3 fois plus grande que le lac Léman. En été, le lac est à sec, laissant une épaisseur de sel d’environ 30cm sous le soleil cuisant. En hiver, l’eau revient, sur 1 à 2m de profondeur, et avec elle, des milliers de flamants roses, qui trouvent ici un refuge pour nidifier. Comme prévu, il n’y a pas d’ombre à l’horizon, et il fait encore 38°C en ce début de soirée. Nous posons notre tente sur le sel, à côté de la seule piste qui traverse le lac d’est en ouest. Un peu plus loin, la couche de sel, encore humide, est bourbeuse. Le coucher de soleil est incroyable. Romain, qui nous prépare à manger, est éclaboussé de sauce lorsqu’il ouvre l’opercule du pot. La pression a monté à cause de la chaleur, et le voilà couvert de tomate…heureusement, nous n’avions pas encore pris notre douche. La piste, qui nous surplombe, et le lac sont déserts, seuls un camion et une moissonneuse passeront quelques minutes avant la nuit. Nous les verrons arriver de loin, tout est plat ici. Sinon, nous sommes seuls dans ce lieu hostile, et c’est un sentiment assez incroyable : nous savons que nous sommes en train de vivre une expérience unique et en même temps, c’est assez angoissant d’être livrés à nous-même dans ce lieu sans eau et sans vie.
Nous plions le camp le lendemain et profitons du sublime lever de soleil. Quelques centaines de mètres plus loin, la couche de sel semble plus solide et nous ne résistons pas à l’envie de rouler dessus. Nous en profitons pour faire quelques clichés. Au loin, nous apercevons 2 autres cyclistes sur le lac. Ils se dirigent vers nous et nous décidons de les attendre. Ce sont 2 jeunes allemands, Henry et Lea, équipés de magnifiques vélos « gravel », le même type que les nôtres mais en beaucoup plus léger. Ils sont en voyage « bikepacking », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de porte-bagage mais simplement de petites sacoches accrochées un peu partout sur le vélo. Ils ont donc beaucoup moins d’affaires que nous et sont plus légers, ce qui leur permet de parcourir de plus longues distances, mais sont moins autonomes que nous dans une certaine mesure. Ravis de pouvoir discuter, nous partageons un bout de route ensemble, jusqu’à la prochaine ville. Ce sont 2 moniteurs de ski, Romain est heureux de pouvoir discuter de ski ! Ils s’extasient de son métier et nous passons un bon moment tous ensemble.
Les 2 jeunes s’arrêtent dans une boulangerie pour petit-déjeuner tandis que nous continuons notre route. À la sortie de la ville, nous apercevons un immense camp de migrants. Nous roulons, toujours sous le soleil brûlant, pendant des heures. Vers 11h, nous nous arrêtons dans un petit village pour faire le plein d’eau. Un monsieur nous offre le çai et nous parle pendant de longues minutes sans qu’on ne comprenne rien à ce qu’il nous raconte. Il ne veut pas nous lâcher et nous arrivons finalement à nous éclipser poliment au bout d’une demi-heure. Notre but est de rallier Ortaköy, à une quinzaine de kilomètres, pour déjeuner et nous reposer. Mais je n’avance plus. Il fait vraiment chaud et mes jambes ne répondent plus. Et moins j’avance vite, plus la chaleur nous plombe et nous cloue au sol. Pour la première fois du voyage, nous décidons donc d’installer un leash entre nos deux vélos. Nous avions prévu le coup et amené avec nous le matériel nécessaire : nous relions le vélo de Romain au mien avec une sangle d’escalade nouée à une vieille chambre à air (pour faire la partie élastique) et nous voilà repartis. Romain me tire et je donne tout ce que j’ai. Notre vitesse augmente sensiblement et nous arrivons vite au sommet de la dernière bosse du jour. Nous nous « désencordons » pour la descente et arrivons, soulagés, à Ortaköy, où nous trouvons un magnifique restaurant à la terrasse ombragée. J’y déguste un excellent ayran, le meilleur que je trouverai en Turquie. C’est une boisson à base de yaourt et d’eau, que l’on assaisonne de sel et de poivre à sa convenance, et qui est incroyablement rafraichissante.
Après le repas, nous allons faire quelques courses puis laver à l’eau nos vélos couverts de sel depuis ce matin dans une station essence. On en profite pour faire le plein de combustible pour notre réchaud et roulons quelques kilomètres jusqu’à notre bivouac de ce soir, qui est l’un des plus beaux que l’on ait fait jusqu’à présent : un lac propre, du sable, de l’herbe et des arbres, et des montagnes en panorama…le rêve ! On se baigne avec délice. Romain déplie la tente, plante les sardines et soudain, une tortue jaillit (oui, jaillit ! Ça va plus vite qu’on ne le croit ces bêtes-là !) de dessous notre maison de toile ! Elle avait dû s’enterrer là pour passer les heures chaudes de la journée et nous l’avons dérangée. On s’amuse à l’observer quelques minutes, puis je m’occupe de faire notre lit (gonfler le matelas, installer le drap de sac, les oreillers et le duvet) tandis que Romain nous prépare à manger. C’est généralement de cette manière que nous nous répartissons les tâches le soir. Je m’occupe également de la vaisselle après le repas. Le matin, pendant que Romain range nos sacoches et prépare les vélos, je dégonfle et plie le matelas, range drap de sac, duvet et oreillers. Des tâches simples, mais qui rythment nos journées de voyageurs. Nous avons prévenu nos copains allemands que nous avions trouvé un super spot de bivouac et ils sont en chemin. Nous dînons en les attendant, car ils auront déjà mangé. Les voilà qui arrivent, il était temps, la nuit tombe (vers 19h30…ça fait des soirées courtes !). « How fast you are ! » (soit, « Vous avez été rapides ! »), nous disent-ils lorsqu’on leur annonce que nous sommes arrivés vers 13h, soit plusieurs heures avant eux. C‘est vrai qu’aujourd’hui, nous n’avons quasiment pas pris de pause et avons essayé d’être rapides lorsqu’il faisait encore frais, tôt ce matin. Et ça nous a permis de nous reposer cet après-midi. Nous sommes fiers du compliment, de la part de deux jeunes cyclistes sportifs et légers ! Nous discutons un bon moment de ski, de neige et de montagne avant d’aller nous coucher.
Nous leur disons aurevoir le lendemain matin et nous décollons tôt, sans petit-déjeuner comme à notre habitude. Nous nous arrêtons généralement vers 7h pour manger, mais avant ça, nous profitons à fond de la fraîcheur pour avancer un maximum. La journée ressemble aux précédentes, une dernière grosse étape dans la chaleur et sans ombre, au milieu de nul part. Quelques kilomètres avant d’arriver à destination, nous doublons 4 cyclovoyageurs. C’est sûr qu’on croise pas mal de monde, on est tout près de la Cappadoce ! C’est ainsi que nous faisons la connaissance de 3 français, Alexandra, Pierrick et Camille, et d’une portugaise qu’ils ont rencontrée sur la route, Mara. On discute quelques minutes puis on se donne rendez-vous un peu plus loin, car il fait trop chaud pour discuter ici. On arrive avant eux dans la dernière ville avant notre destination et les attendons avec des boissons fraîches. On discute tous ensemble. Camille et Pierrick viennent de terminer leurs études, et partent pour un tour du monde, en direction de l’est, avec un budget de 5€ par jour. Quant à Mara, elle a déjà roulé sa bosse en Amérique du Sud. Elle fait de magnifiques aquarelles de ses voyages. On est admiratif. On se quitte après avoir échangé nos numéros et nous arrivons enfin, 1h plus tard, à Uçhisar, porte d’entrée de la Cappadoce.














































Chapitre 5
Poésies du ciel et de la terre
Depuis Uçhisar, une longue descente avec vue sur les cheminées de fée qui font la renommée du lieu nous amène à Göreme, une petite ville au cœur de la Cappadoce. Nous nous dirigeons vers un camping après un petit restaurant pour fêter notre arrivée (et pour profiter de la clim’ !). Forcément, le tourisme fait ici grimper les prix de la restauration et du logement déjà plutôt chers de la Turquie. Nous installons notre tente, faisons une lessive et prenons une bonne douche. Béné, Willy, Lou et Guilwen, les 2 couples de cyclovoyageurs que nous avions rencontrés en Grèce arrivent quelques minutes plus tard. Nous nous étions séparés à Athènes, eux prenant le ferry pour visiter le Sud de la Turquie jusqu’en Cappadoce, et nous, nous dirigeant vers le Nord et Istanbul. Les 2 couples n’ont pas fait tout le trajet ensemble mais se sont retrouvés à Konya, quelques jours plus tôt. Leur arrivée ici coïncidait avec la nôtre, nous nous sommes donc donnés rendez-vous au camping pour ce premier soir. Le voyage à vélo a cela d’étonnant qu’il existe autant de manières et de rythmes de voyager qu’il y a de voyageurs. Nous par exemple, roulons de grosses étapes mais nous arrêtons régulièrement pour un ou plusieurs jours de repos. Béné et Willy, également en voyage au long cours en direction de l’Est, effectuent de plus petites étapes, privilégiant le repos quotidien aux jours complets d’arrêt. Lou et Guilwen, qui sont sur la fin de leur voyage, se donnent à fond, à la fois sur le vélo et sur les visites. On sait qu’on ne pourrait pas tenir leur rythme, car nous avons absolument besoin de journée sans vélo ni visite pour nous reposer, physiquement et mentalement, préparer la suite du voyage, alimenter notre site, lire, jouer, regarder un film.
C’est avec grand plaisir que nous les retrouvons et nous partageons un repas tous ensemble le soir, dans la salle commune du camping tandis qu’un orage s’abat dehors.
Le lendemain, après une petite grasse matinée permise par la fraîcheur relative installée depuis l’orage, nous allons randonner à pied dans les vallées alentours. Ici, la nature s’en est donné à cœur joie. La Cappadoce, c’est d’abord une région de 10 000km², située au centre de la Turquie, et perchée sur un plateau de 1000m d’altitude. Sa partie la plus touristique, dont nous sommes au cœur, est bien plus petite, et est caractérisée par une géologie étonnante : cheminées de fée, canyons, pitons et cônes de toutes les couleurs. Ces formations sont apparues sous l’effet de l’érosion de différentes strates déposées par des éruptions volcaniques successives survenues il y a des millions d’années (entre 10 millions et 2 millions). La couleur, quant à elle, varie selon la composition des coulées de lave.
Chaque vallée est différente de ses voisines, la nature n’a pas utilisée deux fois la même palette de couleur ni la même manière de sculpter la roche : Red valley, Rose Valley, Love valley, etc. portent donc parfaitement leurs noms (la Love Valley contenant une multitude de pitons phalliques, que nous, en France, appellerions « Demoiselle coiffée », c’est plus classe).
Nous randonnons tous ensemble dans la Sword Valley, puis basculons du côté de la Red Valley, qui offre un point de vue magnifique sur les alentours. Ces endroits comptent une multitude d’habitations troglodytes. Oui, la Cappadoce, c’est aussi une région historique, habitée depuis 4000 ans ! Le tuf, cette roche volcanique tendre et friable, a été creusée et façonnée par la main de l’Homme. Au fur et à mesure des ans, les pitons, cônes et même les falaises sont devenus autant d’habitations, d’églises, de citadelles, de commerces, d’étables, de pigeonniers, de ruches, et ont formé des villes troglodytes riches et autonomes. Plus que troglodytes, de nombreuses cités souterraines courent sous nos pieds, à des dizaines de mètres sous terre. Nous visiterons le lendemain avec Romain l’une des plus connues d’entre elles, Kaymaklı, véritable labyrinthe d’escaliers, puits et tunnels sinueux. Nous irons même dans un tout petit tunnel, qui servait d’échappatoire, et nous en ressortirons tout sale ! Avec ses 8 étages descendant à 85m sous terre, elle pouvait accueillir jusqu’à 3000 personnes.
Formidable bastion défensif dans une région convoitée, ces villes ont été le refuge, au fil des ans, de différents peuples et communautés (les Hittites les ont construits pour faire face aux invasions phrygiennes, puis les premiers chrétiens les ont agrandies, face aux persécutions romaines, puis aux invasions arabes notamment).
Nous passons donc plusieurs heures joyeuses à explorer des habitations troglodytes avec nos cyclo-copains, toujours avec une protection devant nos nez car la roche, extrêmement friable, s’infiltre partout. On apprend que certaines étaient encore habitées jusqu’en 1952, date à laquelle le gouvernement a fait évacuer les lieux, en raison du risque d’éboulement.
C’est vraiment un aspect de la Cappadoce auquel on ne s’attendait pas du tout et qui nous a émerveillé !
Après cette belle journée de marche et d’exploration, nous retrouvons nos vélos au camping et roulons jusqu’à un joli emplacement au fond de la Love Valley, où nous installons notre campement. Nous partageons un bon repas et, alors que la nuit était tombée depuis un moment et complètement par hasard, Alexandra, Pierrick, Camille et Mara arrivent ! C’est ainsi que nous entamons une deuxième partie de soirée, à 10 cyclovoyageurs (dont 9 français !). Et quelle soirée ! On discute bien mais nous nous forçons à aller nous coucher pas trop tard, car nous savons que le réveil va être matinal.
3h45, on entend des bruits de voiture au loin, des portières qui claquent, puis, un bruit continu d’un énorme chalumeau. Je ferme les yeux et 4h30, je me réveille de nouveau, sors de la tente…elles sont là ! Les montgolfières ont décollé ! Hier, les vols avaient été annulés à cause de l’orage de la veille et du vent mais aujourd’hui elles sont au rendez-vous. Et quel rendez-vous ! Le spot de décollage du jour est juste de l’autre côté de la crête, des dizaines et des dizaines de montgolfières colorées nous survolent donc de près. Il y en a tellement qu’elles se rentrent dedans ! C’est magique, et le spectacle du lever du soleil sublime les couleurs de la roche et des ballons. C’était un moment incroyable, qui se termine vers 7h30, et, avec Romain, nous nous dirigeons avec nos vélos vers la cité souterraine de Kaymaklı.
Arrivés à Uçhisar, nous cherchons un endroit pour laisser nos vélos en sécurité et faire du stop pour la cité. Un grand bâtiment moderne et soigné attire notre attention. Quelqu’un est en train de tailler les rosiers dehors. Nous nous approchons, et Oĝuz, c’est son nom, nous accueille les bras ouverts. Il nous explique qu’il est le patron de cet endroit, un showroom et magasin de tapis turc haut de gamme ! Il nous offre le çai et, après avoir laissé nos vélos à ses soins, nous fait signe de patienter quelques instants. Une voiture arrive alors, et il nous explique que son employé, au volant, va nous amener à la cité, à une vingtaine de kilomètres d’ici…pas besoin de lever le pouce, c’est trop gentil !
Après la visite, nous faisons du stop pour rentrer et prenons un peu plus le temps de discuter avec Oĝuz et Karl, un ami, employé ici également, d’origine flamande qui parle extrêmement bien le français. C’est l’Aïd en ce moment et ce n’est pas encore la saison touristique donc ils n’ont pas de clients aujourd’hui. Nous demandons poliment si nous pouvons visiter, ce qu’ils acceptent avec plaisir. Nous passons une succession de salles «musées», qui montrent comment vivaient les peuples nomades il y a des centaines d’années. Leurs tentes étaient constituées d’un empilement de tapis, sur le toit et les murs, qui les isolaient du froid. C’est toujours pour cette même raison que les Turcs utilisent les tapis dans leurs maisons en dur : pour isoler les sols et les murs. Bien sûr, ces tapis ont également une fonction décorative.
Puis, Karl nous explique tout sur le processus de fabrication d’un tapis fait main. Un nœud de la matière et de la couleur choisies vient relier 2 fils de la trame du tapis. Il faut des centaines de nœud pour faire une seule largeur et des centaines de largeur pour donner la longueur souhaitée au tapis. Selon la matière du fil (soie, coton, cachemire, etc.), les nœuds sont plus ou moins fin, un centimètre carré de tapis peut donc contenir plusieurs centaines de nœuds ! La couleur du fil est donnée par le modèle. Toutes les teintures sont naturelles, ils utilisent du safran, de l’abricot et de la prune séchés, etc. Le nœud turc est une double boucle, ce qui le différencie du nœud persan qui est une simple boucle. Le plus vieux tapis du monde connu est un tapis fabriqué avec le nœud turc, et les Turcs en sont très fiers !
Puis, Karl nous explique comment reconnaître un tapis fait main d’un tapis fabriqué par une machine, et nous parle de la difficulté à trouver des ouvrières turques qualifiées. La tradition et les savoir-faire ancestraux sont en train de se perdre. Enfin, il nous montre son tapis le plus cher. D’environ 1m², sa couleur principale est d’un noir profond, les détails de l’arbre représenté au centre et des décorations sur les côtés sont magnifiques. Il faut plusieurs milliers d’heures pour arriver à ce résultat, ce qui explique son prix : aux alentours de 20 000€.
Nous remercions chaleureusement Oĝuz et Karl pour ce moment passionnant en leur compagnie, puis nous retrouvons Béné, Willy, Lou et Guilwen à un superbe point de vue en hauteur où nous installons notre bivouac. Une dernière soirée partagée, un sublime lever de soleil avec plus de 120 montgolfières (Guilwen les a comptées !) qui s’élèvent et tourbillonnent telles des bulles de savon, et c’est l’heure de dire aurevoir à nos cyclo-copains. Lou et Guilwen font route vers le Sud, en direction du Mont Nemrut, avant de prendre la direction du retour, tandis que Béné et Willy continuent leur chemin vers l’Est, on les reverra peut-être.
Romain et moi profitons d’une dernière journée d’exploration de la Cappadoce, sur nos vélos et à pied. Nous visitons le Zelves Open Air Museum, une ville troglodyte, et l’Imagination Valley. Nous traversons un tout petit village, une rivière de sang coule au milieu de la route. C’est l’Aïd, et 6 hommes s’affairent autour de 2 moutons fraîchement égorgés. Nous nous trouvons un dernier spot de bivouac, et passons notre dernière soirée dans cette région incroyable.









































































Chapitre 6
Sur les rails
Nous roulons en une seule étape jusqu’à la ville de Kayseri. Nous profitons de la fraîcheur du matin pour grimper la bosse du jour et ses pentes à 16%. Puis, après le petit-déjeuner, la route est bien plus facile. Le mont Erciyes nous surplombe du haut de ses 3916m et les routes sont peu fréquentées en cette période de l’Aïd, c’est un plaisir de pédaler. Nous observons un troupeau de buffles se rafraîchir dans l’eau…ambiance savane africaine ! Nous prenons une pause dans une petite boulangerie, le patron nous offre des boissons fraîches, un client, quelques abricots qu’il vient de cueillir et un autre nous donne deux sandwichs pour notre déjeuner. L’ambiance est dingue en ce jour de fête, des dizaines de personnes défilent et viennent chercher leurs pides, un long pain plat, pour le repas familial du midi.
Nous arrivons aux alentours de 12h à Kayseri et laissons nos vélos à un marchand de tapis, dans le bazar de la ville. Un kebab plus tard, nous allons visiter le château et la mosquée et, après avoir récupérer nos vélos, allons prendre une douche à la gourde dans les toilettes publiques turques du château, qui sont à peu près propres. Les toilettes turques sont certes, théoriquement plus hygiéniques que nos toilettes « assises » mais la plupart du temps, elles ne sont que rarement, voire jamais, nettoyées… on ne vous fait pas de dessin. Les Turcs n’utilisent pas de papier mais de l’eau pour se laver, c’est pourquoi il y a toujours un robinet à l’intérieur des toilettes. Et voilà comment nous arrivons à prendre un semblant de douche, à l’aide d’une gourde et de tongs, c’est mieux que rien ! (Et ce moment épique restera dans nos mémoires).
Nous allons nous reposer à l’ombre dans un parc, un monsieur vient discuter avec nous en français. Il a travaillé 6 ans en France en tant que maçon, au black, quasiment sans prendre de jour de repos. Lorsque l’appel à la prière de 17h retentit, nous roulons jusqu’à la gare pour prendre notre train, le Dogu Express version Kayseri-Tatvan (et non Kayseri-Kars), qui nous amènera tout à l’Est de la Turquie. Après avoir un peu galéré avec nos vélos, nous voilà finalement installés sur nos sièges, prêts à affronter les 22h de train qui nous attendent… 22h ?! Eh oui, 800km à l’allure d’un TER, c’est long ! Aussi long qu’un Clermont-Ferrand – Paris comme dirait mon frère. Une chance pour nous, notre wagon est calme, silencieux et il fait bon. Lorsque l’on traverse les 5 autres wagons pour aller voir nos vélos, c’est l’enfer ! Des enfants courent, jouent et dorment dans les couloirs, la climatisation est en panne alors les gens ouvrent les portes qui donnent sur la voie (oui oui) et celles du wagon. D’autres fument et parlent fort au téléphone. L’ambiance est bonne dans le wagon bar, des gens chantent et dansent. À un moment, le train ralentit à l’approche d’un passage de route, et quelqu’un saute en marche. Et est-ce que vous voulez qu’on vous reparle des toilettes après 22h de train ? Nous et nos vélos arrivons finalement à notre destination, la ville de Tatvan, au bord de l’énorme lac de Van, le lendemain à 16h…ouf !









Chapitre 7
Bienvenue au Kurdistan
Nous nous reposons 3 jours dans un hôtel de Tatvan. Nous avons été catapultés en territoire kurde, et les gens nous reprennent gentiment lorsque l’on dit « bonjour » en turc. Ici, la langue est différente, la culture aussi. On se croirait dans un autre pays ! Les gens sont tout aussi accueillants qu’en Turquie mais ils se montrent un peu plus intrusifs, et il y a quelque chose de dur dans leurs expressions et leurs mots. Ici, toutes les femmes portent un voile sur les cheveux. La ville de Tatvan est plus pauvre que les autres villes que nous avons pu visiter, plus sale aussi, malgré le traditionnel nettoyage au jet d’eau du morceau de trottoir devant chaque habitation et chaque commerce de la part du propriétaire des lieux. En Turquie, mais nous avions également vu ça en Grèce, le jet est l’outil de nettoyage par excellence. À l’hôtel, les salles de bain sont équipées d’une évacuation centrale et, à notre arrivée dans notre chambre de Tatvan, les murs, le miroir, le toilette et le papier toilette étaient trempés ! À vélo, nous sommes à chaque instant obligés d’éviter des flaques d’eau sur la route dans les villes et villages, alors que la pluie n’est pas tombée peu de temps auparavant. Ce gaspillage est assez étonnant au vu de la chaleur et de la sécheresse que connaissent ces pays en été. L’inflation touche également durement la région, la vie est chère. Nous sommes étonnés, malgré cela, de trouver un bon nombre de très récentes voitures : de Transporter Volkswagen (avec une rallonge de bas de caisse, je trouve ça très moche !) en énorme 4×4 Mercedes flamboyant, on ne comprend décidemment pas tout à la région.
Le premier jour, nous partons en stop jusqu’au Nemrut Krater, un volcan non loin d’ici, encore en activité, qui culmine à 3050m d’altitude et qui abrite des lacs dans son cratère. Nous sommes 9 dans le Berlingo et le chauffeur roule à toute vitesse mais nous arrivons vivants au parking. Nous nous approchons par curiosité d’un télésiège, en bord de route, à quelques mètres du col, et qui montre qu’il y a ici une activité hivernale. Les employés de la station, en train de repeindre la cabane juste à côté, nous invitent pour le çai. Ils nous expliquent qu’il peut y avoir jusqu’à 3m de neige ici ! Et en bas, à Tatvan, qui est tout de même à 1600m d’altitude, il y a également de la neige une bonne partie de l’année. Mais comment font les gens ? Aucun bâtiment n’est isolé ! On veut bien que les tapis protègent du froid mais quand même ! On a du mal à imaginer l’hiver ici, pourtant c’était exactement la même chose en France il y a 60 ans… Nous randonnons quelques heures dans le cratère. Nous sommes seuls à marcher, malgré le nombre impressionnant de voitures au parking. Les familles viennent chercher le frais ici, avec un pique-nique au bord du lac, mais, Turcs comme Kurdes n’ont pas de culture sportive ou de loisirs en nature. On profite donc d’être seuls sur les sentiers de randonnée et osons même nous en éloigner à un moment pour raccourcir la promenade. On est tombé sur une tanière d’ours, mais sans voir son propriétaire. De nouveau au col, nous profitons de la vue sur le lac de Van. Il est immense, par comparaison (à nouveau) avec le lac Léman, il en est 7 fois plus gros. Des montagnes bordent sa rive Sud, Tatvan est nichée au pied de la dernière d’entre elles.
De retour à Tatvan, je suis un peu malade. Un début d’insolation dans le cratère sans doute. Nous nous reposons le lendemain : lessive, photos, vidéos, réseaux, et pré-demande de visa iranien, la journée passe vite ! C’est le dernier jour de l’Aïd, des dizaines de peaux de moutons sèchent au soleil, et nous avons du mal à trouver un restaurant ouvert. Nous finirons par manger une pizza surgelée dans un bar, et c’est certainement la pizza la plus chère de l’Histoire. Nous nous reposons encore le lendemain car ce n’est toujours pas la grande forme pour moi, puis nous repartons enfin sur nos vélos, le matin du 4ème jour. Nous longeons pendant 2 jours et 160 kilomètres la rive Nord du lac de Van. C’était interminable. Très beau, mais interminable. À nouveau, l’ombre est totalement absente contrairement à la chaleur qui est toujours là, mais la proximité du lac nous permettra de faire 2 beaux bivouacs. Le premier soir, nous nous arrêtons dans le seul endroit avec un peu de verdure : une aire de pique-nique payante. Il y a un monde de fou, les familles sont rassemblées autour des tables en plastique et de petits barbecues. Même en cette fin d’après-midi, une délicieuse odeur de viande grillée flotte dans l’air. Turcs comme Kurdes adorent la viande grillée, et aiment par-dessus tout se retrouver en famille autour d’un barbecue dans un lieu frais et verdoyant, y compris dans les parcs des villes ! Le propriétaire nous accueille à bras ouvert, ne nous fait pas payer et nous autorise à passer la nuit. Les lieux sont bondés alors nous attendons que la nuit tombe, vers 19h15, avant d’installer notre tente. Nous sommes invités 2 fois pour le çai et on nous donne de la pastèque, des bonbons et des gâteaux. Nous discutons avec une jeune fille, qui est en étude de médecine et veut devenir cardiologue, et sa sœur, ingénieure en génie civil. Au moment d’aller nous baigner pour nous laver, non seulement il y a des vagues de 50cm alors que rappelons-le, C’EST UN LAC, mais en plus, la texture de l’eau contre notre peau et son goût qui se dépose sur nos lèvres sont franchement bizarres. On se renseigne et en effet, avec l’activité volcanique de la région, l’eau du lac est alcaline ! Avec un pH de 10, c’est en fait un lac de soude. C’est assez léger donc on peut s’y baigner, mais on ne pourrait pas la boire. Ça explique également sa couleur changeante : parfois l’eau est bleu turquoise, tandis qu’un peu plus loin, elle est blanche comme neige. On se sent encore un peu collous en sortant de notre bain mais c’est mieux que rien.
Le lendemain matin, j’ai la mauvaise surprise de trouver un solifuge dans les plis de ma sacoche. Je ne vous fais pas un dessin mais c’est une grosse (vraiment très grosse) araignée orange, très moche (la pauvre) et mon existence se portait mieux avant que je ne connaisse la sienne. Je lis sur Internet qu’il est rare d’avoir affaire à ces bêtes-là… alors, chanceuse ou pas ?
Dans la journée, nous visitons l’un des plus vieux cimetières musulmans de la région, le cimetière d’Ahlat. Les tombes datent du XIIème au XVIème siècle, et les pierres sont décorées de belles inscriptions, citations du Coran ou descriptions de la vie du défunt.
Nous arrivons enfin au bout du lac pour notre 2ème bivouac, qui sera magnifique. La vue sur le lac, les montagnes face à nous et la lumière du couchant forment un sublime tableau. Nous sommes un peu embêtés par les moucherons mais cela ne nous gâchera pas la soirée. Néanmoins, alors que nous allumons notre frontale sous la tente, on entend un crépitement sur la toile, comme s’il pleuvait une pluie fine. On se regarde avec Romain : aucun de nous n’a vu de nuage menaçant avant d’entrer dans la tente ! Ce sont les moucherons qui, attirés par la lumière, viennent taper contre la toile ! Et vu le bruit que ça fait, ils sont plusieurs centaines voire milliers ! Oula, je vais peut-être éteindre la lumière et attendre 5 minutes avant de ressortir faire pipi moi. Heureusement, la lune est pleine et je n’ai pas besoin d’allumer ma frontale en sortant.
Nous quittons les rives du lac au matin du 3ème jour pour nous enfoncer dans les terres, en direction du Nord-Est. Ça grimpe, nous faisons une pause à côté d’une petite cascade. C’est l’attraction du coin ici ! Des mariés font des photos, la belle robe blanche de princesse de la mariée manquant de traîner plusieurs fois dans la boue. On achète 2 boissons fraîches beaucoup trop chères dans le restaurant un peu miteux et repartons vite.
On continue de grimper, le paysage change. De grandes prairies viennent remplacer le sol aride et caillouteux des bords du lac. On s’arrête dans la dernière station essence avant un grand col pour faire le plein d’eau jusqu’au lendemain matin. Romain est chargé de 9L d’eau supplémentaires ! Pour l’aider un peu, je charge la tente et les chaises sur mon porte-bagage. Des garçons d’une dizaine d’année s’approchent et empoignent nos vélos sans même nous questionner du regard. Ils veulent monter dessus mais nos montures sont bien trop lourdes pour eux, on se précipite pour éviter qu’elles ne leur tombent dessus. Après leur avoir fait faire plusieurs petits tours sur la selle, on leur dit aurevoir et continuons notre route. La route s’allonge en d’interminables lignes droites.
Au pied du dernier, et non des moindres, col du jour, un barrage militaire nous arrête et nous demande nos papiers. Puis le chef nous offre le çai et appelle tous ces amis français en vidéo sur WhatsApp. Nous repartons après l’avoir chaleureusement remercié. L’ambiance change encore, les quelques villages que nous croisons sont de plus en plus pauvres. Nous sommes tout proche de la frontière iranienne, matérialisée pas un grand mur de barbelé. Il y a des postes militaires turcs tous les 2 kilomètres. À presque 2300m d’altitude, la végétation et la roche changent également : nous côtoyons à présent un énorme champ de pierre volcanique noire comme la suie. De petites fleurs violettes poussent entre les rochers. C’est beau, et avec les nuages menaçants qui arrivent au loin, le paysage devient spectaculaire.
Nous quittons la grande route qui mène au col pour une petite route secondaire, l’ancienne route, qui monte également au col par une pente plus douce. Mais après la mise en garde de plusieurs bergers, nous comprenons que nous risquons de tomber sur un barrage militaire au sommet. Au mieux, nous serons obligés de faire demi-tour, au pire, ils nous demanderont de l’argent pour passer. On soupire… bon, redescendons jusqu’à la grande route. On arrive à bout du col, à 2644m d’altitude, après un dernier effort. On prend le temps de s’habiller et de manger un bout au sommet, juste devant une énorme caserne militaire, avant d’attaquer la descente.
Nous cherchons du regard un coin pour bivouaquer, nous voulons dormir le plus haut en altitude possible pour commencer notre acclimatation pour l’ascension du Mont Ararat. Malheureusement, la route est entourée de barbelés. Après avoir été contrôlés à un énième barrage, les barbelés se transforment en une barrière constituée de grands panneaux blancs. Nous descendons encore quelques mètres, Romain, qui est derrière moi, me crie « Bientôt, regarde à droite ! ». Pour le moment je ne vois qu’une colline au premier plan, à l’herbe rase, un grand troupeau de mouton paisse ici, et quelques bicoques en pierre s’accrochent désespérément à la pente. Et soudain, il apparait, maître du ciel, son dôme couronné de neige tutoie les nuages, son unique voisin fait pâle figure à son côté. Le Mont Ararat est un monstre de 5137m de haut et il règne seul, surplombant toute la région de ses 3 kilomètres de haut supplémentaire par rapport au plateau à ses pieds. Il est magnifique…et intimidant. On va vraiment monter là-haut ?
Nous nous arrêtons en bord de route pour quelques photos et observons les alentours. Si nous nous glissons entre 2 panneaux et collons notre tente à l’un d’eux, nous serons invisibles depuis la route. Ni une ni deux, nous trouvons un endroit plat, à l’herbe verte et rase, avec une vue sublime sur le Mont Ararat. Je vérifie qu’on ne nous voit pas depuis la route : ok ! C’est un peu bruyant dès qu’un véhicule passe mais le trafic diminue au fur et à mesure que la journée se termine, et, avec cette vue incroyable, c’est peut-être bien notre plus beau spot de bivouac du voyage ! Nous décidons d’attendre la nuit avant de monter la tente et prenons notre douche (avec vue !). Soudain, de gros nuages noirs arrivent et nous montons finalement la tente en vitesse avant la pluie…qui ne viendra pas, fausse alerte ! Deux jeunes bergers, la quinzaine pas plus, font traverser la route à leurs bêtes, moutons et chèvres rachitiques aux pelages clairsemés. Ils nous aperçoivent au loin et s’approchent, laissant à leur troupeau la liberté de paître encore un peu avant le retour à l’étable. Sales et habillés de vêtements un peu trop grands, et au vu du village que l’on voit au loin, constitué de maison de pierre, de bâche et de tôle, leur pauvreté ne fait aucun doute. Leurs chiens ont les oreilles coupées, nous apprendrons plus tard que c’est pour éviter qu’ils ne se les arrachent -et que la blessure s’infecte- lors de leurs chamailleries entre eux et leurs combats avec les loups. L’un des chiens nous fait mal au cœur, il est tout jeune et vient visiblement de se faire couper ses petites oreilles…du sang goutte, et la mutilation n’est franchement pas propre. Nous discutons avec les jeunes bergers en langue des signes, leur montrons notre réchaud. Ils veulent entrer dans la tente mais nous refusons en souriant. Ils nous questionnent sur ce que l’on mange, et nous demandent de leur donner de la nourriture. Romain sort une barre de céréale chocolatée, elle disparait immédiatement dans une poche. Son compère nous en demande une deuxième, on refuse, c’était notre dernière de toute façon…puis, ils nous demandent de l’eau, commencent à s’approcher de très près de nos affaires, veulent fouiller dans notre sacoche de nourriture, essayent de manipuler notre réchaud. Le ton monte de notre côté, on leur demande de partir. Un sourire goguenard aux lèvres, ils finissent par s’éloigner après de longues minutes de tractation. Une fois au loin, ils nous font des signes obscènes, font mine de nous jeter des pierres, frappent leurs bâtons contre le sol en criant. Le message est clair, on ne pense pas qu’ils nous feraient du mal mais ils nous en veulent. Ils nous en veulent car tout ce qu’on transporte sur nos vélos a plus de valeur que ce qu’ils n’auront jamais dans toute une vie. Ils nous en veulent car eux ne connaissent que ce coin de terre perdu, entre 2 casernes militaires et une frontière. Vont-ils seulement à l’école ? Franchement on en doute. Un berger un peu plus âgé apparaît. Il nous salue poliment mais ne reprend pas les 2 jeunes qui continuent leur manège. Ils finiront par s’éloigner, et après la fin de notre repas, une fois la nuit tombée, nous démontons le camp et allons nous installer quelques kilomètres plus loin.
Au matin, nous sommes réveillés par le soleil, à 4h30, mais également par des bergers, qui se sont approchés de notre tente et toquent à la toile. On craint que la situation de la veille ne se reproduise alors, en français, nous faisons comprendre que nous sommes deux, que nous sommes réveillés, et qu’on aimerait qu’ils s’en aillent, ce qu’ils font. Ouf. On démonte le camp, déjeunons un morceau et partons d’ici. Nous n’avons plus qu’à nous laisser descendre jusqu’à Doğubayazıt.











































Chapitre 8
Au sommet
Doğubayazıt est une ville de 110 000 habitants, majoritairement Kurdes, située au pied du Mont Ararat, à une altitude de 1950m. Là, et après m’être trouvé un chapeau dans un petit magasin, et avoir mangé un simit accompagné d’un çaï, nous nous dirigeons vers la maison de notre guide Cuma (prononcer « Djuma »). C’est lui qui va nous aider à grimper le Mont ! Son contact circule parmi les cyclovoyageurs, car il est flexible sur la date de départ et propose de laisser les vélos et autres affaires en sécurité chez lui.
Le Mont Ararat, aussi appelé Ağrı Dağı « Montagne de la souffrance » en turc, est le sommet de la Turquie. Il est aimé de tous les peuples qui le côtoient : Turcs, Kurdes mais aussi et surtout, Arméniens, dont il est l’emblème, car il est associé par les chrétiens à l’arche de Noé.
L’ascension du Mont Ararat, 5137m, est réputée facile car sa seule difficulté est l’altitude. Elle ne nécessite pas la connaissance de technique d’alpinisme, ni l’usage de cordes. Ce n’est en fait qu’une « grosse randonnée ». Avec Romain, nous pratiquons l’alpinisme dans les Alpes, à notre petit niveau, et nous nous sommes dit que cette ascension pouvait être l’occasion pour nous de nous frotter à la haute altitude. De plus, après plus de 3 mois de vélos, on avait bien envie de se dégourdir les jambes sur les pentes d’une jolie montagne. L’ascension ne peut s’effectuer sans guide ni permis, c’est pourquoi nous avons besoin de Cuma.
Le quartier, comme la ville, sont pauvres. Les ruelles de terre battue, les déchets partout, les enfants livrés à eux-mêmes dans les rues, tout ça ne trompe pas. C’est la femme de Cuma qui nous accueille, car notre guide est déjà en expédition sur le Mont. Elle ne cherche pas la conversation, nous indique juste une annexe de la maison où nous pouvons laisser nos affaires et nous installer, en attendant que son fils Adam vienne nous parler de l’expédition. Puis, elle nous apporte du çaï, du pain, du fromage et de la pastèque. C’est super gentil. Nous entrons dans la pièce principale, dont le sol est couvert de tapis qui n’ont pas vu un aspirateur depuis un bon moment. L’odeur de mouton est prenante, car une casserole sale traîne dans la petite cuisine de l’annexe. Elle doit préférer cuisiner cette viande au parfum fort ici plutôt que dans la cuisine de sa maison.
On ne sait pas quand Adam doit arriver, alors on s’installe tant bien que mal, faisons une lessive, une sieste sur notre matelas et prenons une douche à la gourde au-dessus des toilettes turques, on commence à avoir l’habitude. On est tous les deux un peu fatigué, on aurait aimé un bon lit douillet dans une jolie chambre… mais on est en voyage à vélo et on s’apprête à grimper un sommet à 5137m alors on se ressaisit.
Adam arrive enfin. La trentaine, c’est un vrai business man. Il parle parfaitement anglais, très (trop) vite. Il nous dit que Cuma est déjà avec notre groupe, parti hier. Ils se sont acclimatés aujourd’hui en marchant depuis le camp 1 (3200m) jusqu’au camp 2 (4100m) avant de redescendre pour dormir ce soir au camp 1. Il nous montre la météo sur son téléphone, le créneau de demain et après-demain ne doit pas être manqué. Après ça, le sommet sera dans les nuages, comme il l’a été ces jours précédents, en particulier le matin. Sa météo ne nous semble pas hyper précise, un peu comme si on regardait la météo de Grenoble avant d’aller faire le Mont Blanc mais certainement qu’il n’a pas mieux. Et il connait cette montagne sur le bout des doigts alors soit !
Il nous demande si nous avons besoin de matériel. Il nous manque en effet un sac à dos chacun, des chaussures de randonnée, des bâtons, des crampons (qui ne seront utiles que pour les 300 derniers mètres) et des gants chauds. Adam va fouiller au fond de la pièce et revient avec 2 sacs à dos plus vieux que nous, la fermeture éclair du mien ne ferme plus, des gants très chauds, un peu trop grands mais c’est mieux que rien, et des chaussures de randonnée : pour moi des La Sportiva G2SM, des monstres de chaussures, faites pour l’himalayisme…en taille 43 (je mesure du 39), et pour Romain, des Scarpas d’une dizaine d’années, bien plus adaptée à notre expédition, mais également trop grandes de 4 tailles. Il complète cet équipement hétéroclite de 4 bâtons (et non pas de 2 paires) et nous explique que des crampons nous attendent au camp 2. En complétant avec nos sous-vêtements techniques, nos doudounes chaudes, nos vestes coupe-vent, nos petits gants en soie, nos 2 pulls chacun et notre couette en duvet, nous sommes pas mal. Le seul problème, ce sont les pantalons. On réfléchit deux minutes : nous avons chacun un collant chaud, un pantalon léger et un pantalon de pluie. Ce dernier, imperméable, coupera également bien le vent, ça fera l’affaire. Nous voilà fin prêts.
Adam nous dit qu’il viendra nous chercher demain à 7h pour nous amener au camp 1, mais nous négocions pour qu’il nous y amène tout de suite, afin que nous passions une nuit supplémentaire en altitude. Il passe un coup de fil à son père, il hurle plutôt qu’il ne parle d’ailleurs, mais c’est d’accord ! Avant de nous amener là-haut, nous devons le payer. Il nous amène en ville pour retirer de l’argent au distributeur. Nous sommes un peu stressés, car nous n’avons plus qu’une carte bancaire, la mienne nous a lâché il y a peu, et nous devons retirer une somme importante (450€ par personne, soit 33 000 TRY), mais tout se passe bien. Une tempête énorme se lève au même moment et tout d’un coup, des trombes d’eau tombent du ciel. Adam pousse la porte du premier commerce, un kebab, fait un signe de la main au cuisinier, nous demande de nous asseoir devant une table sur laquelle il vient de faire de la place, avant de recompter l’argent. On se regarde avec Romain, cette scène est surréaliste : le patron nous regarde avec des yeux ronds tandis qu’Adam fait des piles de liasse. Il va trop vite pour nous, alors nous prenons le temps de recompter derrière lui. Tout est en règle, et nous nous dirigeons vers son 4×4 où il nous laisse au bon soin de son chauffeur.
Le trajet jusqu’au camp 1 durera une heure, et ce n’est à nouveau qu’une succession de séquences toutes plus improbables les unes que les autres, ce qui me fait penser que je ne suis peut-être qu’une spectatrice d’une pièce de théâtre un peu loufoque. Cigarette à la bouche et portable en main, notre chauffeur nous demande de ne pas attacher notre ceinture de sécurité (ce que nous ferons quand même) avant d’adopter une conduite agressive sur la route, à grand renforts de klaxon. Nous sommes soulagés lorsqu’il quitte la route pour s’enfoncer sur une piste, mais c’est encore pire…à plus de 100 km/h et au cœur d’une tempête telle que Romain et moi en avons rarement vu, il s’énerve après la buée qui se forme sur le pare-brise. Romain tourne le bouton de ventilation pour que l’air arrive de l’extérieur de l’habitacle, et notre chauffeur a l’air tout étonné de voir que ça fonctionne… c’est décidé, LAISSEZ-MOI SORTIR !! La piste commence à monter en lacets, et de gros cailloux apparaissent, ce qui le fait ralentir. Au moment d’un passage de ruisseau, il passe un peu trop vite (étonnement) et un gros bruit retentit. Il ne prend pas la peine de s’arrêter, mais passera les prochaines petites rivières plus prudemment. Alors que la tempête fait rage et que la nuit tombe, il s’arrête un instant pour saluer et discuter avec un couple de berger. Ils sont trempés ! Et leur tente derrière eux fait peine à voir, sous les assauts du vent et de la pluie. Un peu plus loin, une famille vit dans une camionnette, le bébé est bercé dans une cagette en bois.
Nous arrivons enfin, et surtout en vie, au camp 1 et nous filons nous réfugier dans une petite cabane en pierre où Cuma nous attend avec un çaï. Ouf ! C’est un monsieur d’une cinquantaine d’année, ses traits émaciés sont burinés par le soleil. Il nous souhaite la bienvenue, et nous discutons quelques instants. Il nous explique que cette expédition sera sa 626ème ascension du Mont Ararat. En attendant que la tempête se calme, nous restons près du poêle, que Cuma alimente avec des déchets (bouteille en plastique, reste de nourriture, gobelets, tout y passe). On grimace, on a mal à notre planète…mais en y pensant, ça fait des lustres que nous n’avons pas vu un arbre, alors ce n’est pas comme s’il y avait le choix ! Nous allons nous coucher dans une tente 4 saisons, une première pour nous, on se croirait dans un documentaire sur l’Himalaya ! Le ciel s’est dégagé et des milliers d’étoiles brillent, parfaits miroirs des petites lumières de Doğubayazıt. C’était une sacrée journée, et nous ne tardons pas à tomber dans un sommeil de plomb.
Le lendemain matin, nous partageons le petit déjeuner avec le groupe de Cuma, 2 Ukrainiens et 4 Ukrainiennes. Notre guide nous explique qu’il ne peut normalement pas accompagner plus de 6 personnes, il nous a rajouté à cette expédition de manière non-officielle. Tout au long de la montée, il nous portera moins d’attention, dont de toute façon nous n’avons pas besoin, qu’à son groupe de départ. Nous faisons également la connaissance d’un deuxième groupe, 6 Polonais, qui, accompagnés d’un autre guide, feront l’ascension en même temps que nous. Ces types sont des armoires à glace. À côté d’eux, nous paraissons chétifs. Alors que nous étions tous assis sur de petits tabourets, autour d’un repas, je me fais la réflexion que le genou du plus costaud d’entre eux fait la même taille que la tête de Romain. Ses mollets sont aussi volumineux que mes cuisses… Bref, un physique de rugbymen du XV de France. Lorsqu’ils apprennent que nous voyageons à vélo, ils tirent des mines étonnées avant de nous serrer, ou plutôt broyer, la main. L’un d’eux vient nous donner l’accolade, et j’ai l’impression qu’un de mes poumons s’est décollé. Tout ce petit monde est très sympathique, et nous passerons de bons moments tous ensemble. Nous tentons à un moment de poser quelques questions sur la situation en Ukraine mais les visages se ferment et les regards s’éteignent. La cheffe d’expédition Ukrainienne fait même mine de ne pas comprendre et nous demande ironiquement ce qu’est la Russie. Nous n’insistons pas.
Alors que nous nous apprêtions à quitter la tente commune où sont servis les repas, un détail attire mon attention : c’est un vieil autocollant de Roxy et Tommy, en train de lentement se décoller de la toile, juste à côté de la porte. Nous sommes émus : Roxy et Tommy sont deux cyclovoyageurs, en route pour l’Australie, que nous suivons sur les réseaux depuis un bon moment déjà. Ce sont eux qui nous ont montré que ce genre de voyage était possible, eux qui nous ont donné envie de partir. Ils avaient fait la même ascension avec Cuma il y a bientôt 2 ans ! Nous avons oublié nos propres autocollants chez Cuma mais nous laissons un petit mot à côté du leur, que nous recollons tant bien que mal avec du scotch, avant de quitter le camp.
Le premier jour consistera en une lente montée du camp 1 (3200m) jusqu’au camp 2 (4100m). Le long du chemin, nous écoutons Cuma chanter et nous nous amusons à compter les coccinelles. C’est vraiment étonnant de trouver ces jolis insectes aussi haut, à plus de 4000m d’altitude. Arrivés vers 13h, Romain et moi continuons l’ascension sur quelques mètres pour continuer à nous acclimater. Nous sommes tous les deux en forme et ne ressentons aucun symptôme dus à l’altitude. Pendant une de nos nombreuses pauses, Romain fait même le mariole avec une paille : Benjamin Védrines, un célèbre alpiniste qui, au moment où nous grimpons le Mont Ararat, tente le record de l’ascension la plus rapide du K2 en solitaire et sans oxygène, a dit qu’au-delà de 8000m, l’oxygène se fait si rare qu’il a la sensation de respirer à travers une paille. Alors Romain, prêt pour le K2 ? Les Ukrainiens sont admiratifs de nos résultats lorsque l’une d’entre eux nous mesure notre pouls et notre oxymètre de pouls (le taux d’oxygène dans le sang). Certainement que nos 3 mois de voyage jusqu’à présent, ainsi que nos nuits en altitude y sont pour quelque chose ! En tout cas, ça nous facilite grandement l’ascension et ça me décharge d’un poids : je ne pensais pas que je serais autant en forme, je me sens confiante pour la suite.
C’est la première fois que nous pratiquons la montagne en « mode expédition ». Au camp, nous n’avons rien à faire, à part nous reposer et nous acclimater. Un cuisinier nous prépare notre nourriture et fait chauffer le çaï. Lui et notre guide s’assoient rarement avec nous à table, NOUS avons la priorité car NOUS sommes les clients qui avons payé pour tenter de monter. Pour rire, l’un des Ukrainiens dit à Romain, qui voulait laisser sa place au cuisinier et alors que celui-ci refusait avec un sourire, qu’il est l’homme blanc et donc qu’il n’a pas à céder sa place… c’est de l’humour noir mais il y a un fond de vérité. Des chevaux montent tout le matériel, y compris nos affaires, du camp 1 jusqu’au camp 2. Une fois arrivées au camp 2, les pauvres bêtes sont immédiatement chargées du matériel des groupes qui descendent et font le chemin inverse. Elles ne pourraient de toute façon pas rester au camp 2, car il n’y a rien brouter. Disons que dans les Alpes, ce sont les hélicoptères qui montent tout ce dont on a besoin jusqu’aux refuges. On n’arrive pas à se décider de la meilleure solution, ou plutôt de la moins pire. Le camp 2 est entouré de déchets, et il y a assez peu d’eau qui arrive du sommet, ce qui fait que les toilettes s’évacuent mal. Encore des aspects auxquels on ne pense pas mais qui font vraiment peine à voir dans cet environnement si sauvage en temps normal.
Nous nous levons à minuit le lendemain et partons à 1h pour le sommet. Notre groupe est assez lent, d’où le départ très matinal. Une grande partie de la montée s’effectuera donc de nuit. Le vent souffle fort et nous n’arrivons pas à nous réchauffer avec Romain. Nous poussons un soupir de soulagement lorsque Cuma annonce que nous pouvons diviser le groupe en deux. Il accompagnera les plus rapides tandis que les 2 plus lentes resteront avec la cheffe de l’expédition Ukrainienne, qui est guide elle aussi. Nous marchons donc plus rapidement, ce qui nous permet de nous réchauffer. Un pas après l’autre, nous montons et montons encore. L’aube pointe. Le paysage est volcanique, la roche est noire, nous grimpons dans un long pierrier qui zigzague entre deux névés. Vers 4700m, nos souffles se font courts, nous avons besoin de toute notre concentration et de toute notre énergie pour continuer à avancer. Romain m’aide en me forçant à me ravitailler régulièrement en eau et en nourriture, et m’encourage lors des passages difficiles. Notre guide nous impose un rythme lent, pour que nous ne nous épuisions pas. Alors que le soleil se lève, de l’autre côté du Mont, nous prenons une pause. Au moment où nous nous retournons, nos souffles se coupent, nos yeux s’écarquillent : l’ombre du Mont Ararat s’étire sur des kilomètres et des kilomètres, parfait triangle sombre se découpant sur l’immense plateau en contrebas. L’ombre de la terre, arc de cercle ténébreux à l’horizon, apparaît nettement juste derrière. Nous sommes si haut que tout nous paraît minuscule. La fatigue et l’émotion font monter un sanglot du tréfond de ma poitrine. Je me contiens à grand peine et me concentre sur la poursuite de notre montée.
Après de longues minutes d’efforts et de bagarre contre le vent, le souffle court et le mental à vif, Romain et moi sommes les premiers de notre groupe à atteindre le sommet, 6h après le départ, vers 7h15. Je tombe dans ses bras, et je sanglote de joie, de fatigue. C’est un rêve de petite fille qui se réalise ce matin-là, celui de monter tout là-haut, là où la neige est éternelle, là où respirer devient un effort, là où rien n’arrête le regard. Dans les Alpes, je n’avais pas encore eu l’occasion de monter au-delà de 4000m d’altitude, et me voilà, après 3800km de vélo à travers l’Europe et la Turquie, loin de ma maison et des miens, mais avec l’homme que j’aime, à 5137m dans le ciel. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas laissé couler mes larmes de cette sorte. Le genre de pleurs qui vient des entrailles et qui se libère en hoquets, de la même manière que l’on pleure lorsqu’on est tout petit. Romain me serre fort dans ses bras et laisse échapper quelques larmes aussi. C’est grâce à lui si je suis là, merci mon amoureux ! C’était un moment intense, que j’ai hésité à partager ici, mais qu’il me semble nécessaire de se souvenir. Après ces quelques secondes, nous réalisons où nous sommes et nos sourires reprennent le dessus. La joie nous transporte et nous profitons du moment. On se prend en photo, en vidéo, on raconte des bêtises. On est vraiment heureux d’être là, tous les deux, de l’avoir fait ensemble. Il n’y a pas beaucoup de place là-haut, alors lorsqu’un groupe arrive, Cuma nous indique qu’il est l’heure de redescendre et nous nous exécutons à regret, malgré le vent violent qui nous frigorifie. Ce moment restera à jamais gravé dans nos mémoires.
La descente est affreusement longue et, comme toujours en alpinisme, plus difficile que la montée. Nous arrivons finalement au camp 1 vers 17h, rincés, épuisés, lessivés mais toujours heureux ! On a également survécu à une seconde accolade des Polonais, je pense que l’on peut être serein pour la suite du voyage. Adam nous attend au camp 1, et lorsque tout le monde est en bas, il nous indique de grimper dans le 4×4 pick-up. Mais euh, Adam, nous sommes 11 personnes…pas de problème, ça passe. 3 devant, dont Cuma qui sera le chauffeur, 4 sur la banquette arrière, Adam sur le toit, les sacs dans le coffre et Romain, moi et un jeune Turc qu’on ne connait pas, assis sur le haillon ouvert du coffre. On se couvre la tête et le visage car la poussière soulevée par les roues nous arrive dessus. C’était une expérience assez effrayante, à 40km/h, sans avoir de quoi s’accrocher ou s’attacher. Un coup d’accélérateur un peu trop fort, et nous finissons en tas sur la piste, avec une cheville cassée. Un coup de frein un peu trop fort, et notre nuque ou notre dos se fracasse contre l’arête du toit du coffre… mais tout le monde arrive sains et saufs en bas et Cuma nous ramène chez lui.
Arrivés chez notre guide, sa femme nous invite à rentrer et nous sert à manger dans la cuisine, avant de s’éclipser. C’est une belle cuisine qui ressemble beaucoup à nos cuisines européennes. Il y a des tapis au sol. Elle a posé les casseroles dessus et les maintient au chaud en les recouvrant de plus petits tapis. Nous mangeons en silence, Romain et moi, trop fatigués pour discuter. La fille de Cuma, d’une vingtaine d’année et maman d’une petite fille, entre dans la cuisine en trombe avant de faire demi-tour à toute vitesse : elle n’avait pas compris que nous étions chez elle et n’avait pas mis son voile sur ses cheveux. Elle ne peut pas se montrer ainsi devant Romain. Elle revient quelques secondes plus tard, avec un grand sourire, son joli voile masquant parfaitement sa chevelure.
Après le repas, elle m’invite à prendre une douche dans la salle de bain de la maison (seulement moi, et pas Romain, qui devra se contenter de la méthode habituelle). Ça va me changer des toilettes ! Dans la cabine de douche, il y a bien un robinet avec un mitigeur, mais il n’y a pas de pommeau. À la place, un grand seau est rempli d’eau chaude, et un petit bol permet de se mouiller puis de se rincer.
Le groupe d’Ukrainiens est invité à manger avec Cuma et Adam, mais ces derniers ne nous ont pas invité à les rejoindre. De toute façon, nous tombons de sommeil et quelques minutes plus tard, nous allons nous coucher, épuisés.
































Chapitre 9
Derniers instants
Nous quittons le lendemain la maison de Cuma après l’avoir chaudement remercié, lui et sa famille. Il repart déjà pour sa 627ème ascension. Nous subissons le contre-coup de notre aventure montagnarde et allons nous trouver un hôtel en ville pour nous reposer. Il n’y en a pas énormément, et nous tombons nez à nez avec les Polonais à la réception de celui que nous avons choisi. Après que mon deuxième poumon se soit décollé, nous montons nos affaires dans notre petite chambre et rangeons les vélos à l’abri de l’orage qui s’annonce. C’est ainsi que, bien au chaud sous une bonne couette et après une vraie douche, nous regardons les grêlons tomber en pensant aux aventuriers qui dorment en ce moment-même au camp 1. Le lendemain, nous profitons d’une grasse matinée avant de nous rendre en stop visiter le palais Ishak Pasha, qui date du XVIIème siècle et qui était équipé du chauffage central ! Après un çaï en ville, on profite encore un peu de l’hôtel en allant au hammam (une pièce chaude et humide) et en dormant comme des loirs pour cette dernière nuit à Doğubayazıt.
Nous dévalisons le buffet du petit déjeuner et buvons encore quelques litres de çaï dont on peut se servir à volonté. Le çaï, qui est donc le thé traditionnel turc mais aussi la boisson que tout le monde boit tous les jours à toute heure, est un thé noir au goût simple et sans fioriture. Il est infusé dans une grande théière en cuivre, maintenue au chaud par un réchaud décoré de cuivre également, et servi bouillant dans de petites tasses en verre transparent, à la forme particulière, que l’on remplit pour moitié de thé et pour seconde moitié d’eau chaude non-infusée. C’est un rituel précis que Turcs et Kurdes partagent. Le café turc a également la cote : c’est un café très fort, qui cuit directement au fond d’une petite casserole en cuivre, appelée ibrik, et qui n’est utilisée qu’à cet effet. Une fois le café servi, il faut attendre que le marc soit descendu au fond de la tasse avant de le déguster, au risque d’avoir autant à boire qu’à manger !
Nous rassemblons nos affaires et nous rendons sur une petite place non loin pour prendre le bus pour la ville de Kars. C’est raté, le chauffeur ne veut pas de nos vélos. Bon. On n’a pas très envie de pédaler jusqu’à Kars, il nous faudrait au moins 2 jours, en bordure de frontière avec l’Arménie, et sous la pluie. Alors on choisit un emplacement stratégique et on lève le pouce… et ça marche ! Un routier nous prend en charge et nous dépose 80km plus loin. Il nous faudra encore 2 camionnettes pour arriver à destination, moins de 4h après avoir quitté notre chambre, à 160km de Doğubayazıt. C’est quand même plus rapide qu’à vélo… nous nous sommes fait contrôler 2 fois par des militaires, et nous avons traversé ni plus ni moins qu’un grand désert, nous ne regrettons pas notre choix !
Romain négocie comme un chef le prix de notre nouvelle chambre d’hôtel, une bonne sieste s’impose ! Puis, nous allons visiter Kars. Nous avons quitté le territoire kurde, on y retrouve nos repères de la Turquie. La ville est belle, propre, avec une magnifique mosquée toute neuve…nous sommes estomaqués de la différence de richesse avec Doğubayazıt, à moins de 2h en voiture de cette dernière ! On flâne tranquillement, et allons par curiosité dans un magasin de sport. Romain est halluciné devant le rayon de chaussures Salomon et cherche sans succès un produit Rossignol. Comme il dit : « mon-Salo, ils sont forts chez Shalom ». Nous terminons notre soirée dans un très bon restaurant, le meilleur qu’on ait fait de toute la Turquie !
De retour sur la selle le lendemain, nous prenons lentement de l’altitude. Le paysage verdit, il fait 26°C à 11h…quel plaisir ! Nous croisons même un autre cyclotouriste : Markus, 57 ans, qui rallie Sidney depuis Oxford. Malheureusement, nos chemins se séparent très vite car nous bifurquons au Nord pour aller chercher la frontière la plus proche avec la Géorgie tandis qu’il rejoint la mer Noire. À la pause déjeuner, que nous prenons sur une table de pique-nique dans un petit village, une jeune fille vient nous parler. Elle est championne de football avec l’équipe de son école et est fan de voiture. D’autres personnes nous rejoignent et nous discutons un bon bout de temps. Entre 2 çaï, ils nous disent qu’ils n’aiment pas la ville de Kars et ses habitants, sans nous expliquer pourquoi. On ne comprend décidemment pas tout à ce pays avec Romain ! Mais certainement qu’on ne doit pas avoir toutes les cartes en main. Nous terminons notre journée par une course poursuite avec un orage : nous arrivons les premiers dans un petit restaurant, perdu au bord d’un lac, et nous mettons à l’abri le temps d’un çaï. Nous plantons la tente à côté de l’établissement à la fin de l’averse et allons nous laver dans l’eau sombre et un peu vaseuse du lac. C’est très sauvage, il y a une île au centre de l’étendue d’eau, avec un grand nombre d’oiseaux, notamment des mouettes ! Le soir, nous mangeons de la truite, accompagnée de crudité, c’est délicieux. Nous sommes les seuls clients et le patron, un peu bourru au premier abord, discute avec nous. Il nous explique qu’il y a 80cm de glace sur le lac l’hiver ! Puis, il nous montre son livre d’or, dans lequel nous lisons de multiples messages de cyclovoyageurs. Nous ajoutons le nôtre avant d’aller nous coucher pour notre dernière nuit turque.
Pour notre dernière journée en Turquie, il nous reste une quarantaine de kilomètres avant la frontière. Le paysage est vraiment différent de tout ce qu’on a pu voir jusqu’ici dans ce pays, c’est très vert ! Avec les nuages menaçants dans le ciel, on se croirait en Écosse ! Sauf qu’ici, la dame qui pousse son petit troupeau d’oies devant elle avec son bâton vit dans une bâtisse en pierre avec un toit en tôle…quelle vie ! Nous faisons quelques courses dans la dernière ville turque avant la frontière, au moment où tombe une averse. Nous allons nous réfugier dans un café pour boire un çaï et assistons à une partie de Okey endiablée entre 4 hommes attablés là. C’est un jeu turc, proche du rami. Les gestes sont précis mais exagérés et les tuiles font un boucan d’enfer lorsqu’elles sont frappées sur la table. Nous passerons un bon moment en leur compagnie, une belle manière de clôturer notre séjour d’un mois dans ce pays ! En effet, après quelques kilomètres supplémentaires et un beau point de vue sur le château du Diable, nous passons la frontière avec la Géorgie, non sans avoir écoulé nos dernières lyres turques au Duty free, pour une tablette de chocolat Milka.





































Et pour finir…
Un mois en Turquie, et comment conclure ?
Le coût de la vie nous a étonné : il faut compter 40€ la nuit en hôtel au minimum et 10€ un repas succinct. Le pays compte de magnifiques sites, séparés par de grandes distances de moindre intérêt (c’est le désavantage d’être un grand pays), et surfe sur la vague du tourisme naissant mais attention, le prix des visites est, en ce moment, exorbitant !
Mais nous avons beaucoup aimé la Turquie, synonyme pour nous du début du « vrai » voyage. La gentillesse de ses habitants et, même si nous n’avons pas été bien accueillis partout, leur hospitalité, nous ont fait chaud au cœur. Le dépaysement fut total pour nous, et nous en avons appris beaucoup, comme le prouve la longueur de cet article. La Turquie nous a également donné notre lot d’émotions, en Cappadoce et sur le Mont Ararat, entre autres…alors merci Turquie !
Et bravo à vous d’être arrivé à bout de notre article !