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#2 Mise en jambe – Croatie

31 mars 2024 – 15 avril 2024
15 jours – 10 étapes

650 km – 8450m D+

Comme prévu, il pleut à Rijeka pendant presque 24h en continu. Heureusement, nous nous sommes réservés une chambre pas chère dans un hostel (= auberge de jeunesse)…mais la chambre est miteuse, au sens premier du terme ! Ça m’apprendra à être radine !

Tant pis, on en profite tout de même pour faire une lessive à la main dans le petit lavabo des toilettes des garçons, avant de se creuser la tête pour tendre notre fil à linge. Pas facile, la chambre est petite, et nous avons choisi d’y mettre les vélos. En effet, la cage d’escalier ne nous semblait pas sûre du tout, la coursive de l’hôtel et la rue encore moins. Miteux et mal famé ! Bravo.
Entre 2 averses, nous sortons prendre un verre et faire un jeu de société. Le peu que nous voyons de Rijeka, sous nos capuches, ne nous donne guère envie d’en voir plus. La ville est en travaux, l’ambiance est morose, et la plupart des commerces sont fermés en ce weekend de Pâques… un peu tristoune ce 1er avril !

Nous sommes tout content de repartir de l’hôtel-beurk-humide-grosse-ambiance et de la ville-plafond-bas-pelleteuse-grosse-ambiance-aussi, et nous roulons jusqu’à Bunica sur une grosse route mais assez peu fréquentée aujourd’hui. Le soleil est enfin de la partie, nous profitons de la vue sur la mer, respirons de grandes goulées d’air…enfin une journée cyclo comme on les aime ! Le soir, nous sommes seuls au camping et la douche est froide mais ça ne nous empêche pas de faire trempette des guiboles et de profiter de notre premier coucher de soleil sur la mer.

Conseil de cyclo : Ne jamais se précipiter pour réserver une chambre quand le mauvais temps arrive, surtout si les transports en commun sont développés dans le coin. Demandez-vous où vous aimeriez passer ce temps de repos et comment vous souhaitez le mettre à profit.
Nous, par exemple, avons fait l’erreur de réserver cette chambre à Rijeka, qui était la prochaine grosse ville sur notre route, alors que nous aurions pu prendre le train pour Llubljana, visiter la ville quelques jours ( tout en dormant au sec dans une chambre un peu plus mimi), puis reprendre le train pour Rijeka.

Le lendemain, nous quittons la côte (quoi ? déjà ?) pour nous enfoncer dans les terres, direction Kuterevo et son sanctuaire des ours. Il y a 2 raisons à ce détour :

  1. Voir des ours. Oui, parce que bon, des ours sauvages, il y en a un paquet dans les Balkans, en particulier en Croatie et en Slovénie, mais il y a peu de chance que l’on en croise un sur la route (snif ou ouf ? on est mitigé) et encore moins que l’un d’eux vienne nous rendre visite dans notre tente (N’EST-CE PAS MARIE ? ALORS DORS UN PEU AU LIEU DE CROIRE QUE LA BRANCHE QUI VIENT DE CRAQUER EST UN GRIZZLI DE 2 TONNES QUI VIENT TE CHATOUILLER LES PIEDS !).
  2. Voir la Croatie sauvage. Parce que la côte croate n’est, malheureusement, qu’un vaste parc d’attraction pour touriste en manque de soleil. Imaginez un peu, les croates sont 3.8 millions… en saison, ce sont plus de 12 millions de touristes qui débarquent, en particulier sur la côte (longue de 1800km toute de même, sans compter les îles). Bref, même si quelques petits villages ont su garder leur charme, et si quelques portions de côte sont encore belles et sauvages, nous aimerions nous en éloigner juste pour 2 jours, et aller voir à quoi ça ressemble, derrière les montagnes qui bordent le littoral.

Nous attaquons donc la bosse, en direction des terres. 1000m de dénivelé avec beaucoup de passage à 15%… ça fait mal aux jambes mais on est, au final, assez vite en haut. Après une pause déjeuner bien méritée et une petite sieste (NON MARIE, C’EST LE VENT DANS LES FEUILLES, PAS UN OURS QUI ARRIVE POUR TE BOUFFER), quelques kilomètres bien vallonnés nous attendent encore. Nous arrivons au sanctuaire en fin d’après-midi, rincés, mais heureux d’avoir fait ce choix : la route était belle. La forêt s’étend à l’infini, des montagnes dont les sommets tutoient les 1700m d’altitude nous entourent, le silence n’est perturbé que par le chant des oiseaux et le bruit de nos pneus sur l’asphalte de mauvaise qualité. Nous avons croisé seulement 4 voitures de toute la journée. Ici, les vallées sont occupées, modestement, par quelques agriculteurs et éleveurs, le travail du bois occupe le reste de la population.  Plus aucun signe de tourisme, même si c’est également synonyme de plus de pauvreté

Deux couples de bénévoles français nous expliquent le fonctionnement du sanctuaire : il recueille des ours inaptes à être relâchés dans la nature (qui ont été orphelin très jeune, ou ayant vécu en zoo). Quelques subventions, les dons des visiteurs mais surtout les volontaires et bénévoles, au long cours ou à la journée, maintiennent le site en état de fonctionnement

Puis, on nous présente les 9 ours présents dans le sanctuaire en ce moment. Ils sont tous très beaux et très différents les uns des autres : il y a notamment Bruno, 49 piges, alors qu’un ours brun européen a une espérance de vie moyenne de 30 ans (dans la nature). Il y a Vladmir, le gros costaud du groupe. Et il y a Mlada Gora, une petite femelle toute timide. On les observe tranquillement durant de longues minutes lorsqu’un dixième ours s’approche de nous…et il n’est pas derrière les barrières ! Mais ce n’est qu’Yvan, le vieux propriétaire des lieux, et aussi le fondateur du sanctuaire. Il vient nous serrer la main et nous explique, via Google Traduction car il ne parle pas un mot d’anglais, qu’il nous a doublé avec sa voiture dans la montée. Il nous impressionne mais nous lui demandons poliment si nous pouvons planter notre tente non loin du sanctuaire, ce qu’il accepte. Nous passerons la soirée en compagnie des bénévoles et partagerons un bon repas ensemble. 

Nous quittons tôt le lendemain matin nos nouveaux copains (les bénévoles et les autres animaux de tout poil) car une grosse journée nous attend : nous retournons ce soir sur la côte mais passons par le Parc National du Velebit et traversons une petite partie du massif du même nom. Journée quasiment 100% gravel donc et avec pas mal de dénivelé ! Nous grimpons durant de longues heures, sans voir personne d’autre que 3 bûcherons, à travers des paysages sauvages et des forêts de hêtres puis d’épicéas, et arrivons finalement jusqu’à un col d’où, d’après Romain, nous aurons une vue plongeante sur la mer…mais seuls un arbre tordu, une croix lugubre, une tache de neige et un vent mordant nous accueillent là-haut. Après la photo souvenir, nous enfourchons nos vélos lorsqu’une voiture (la 2ème de la journée), sortie de nulle part, nous klaxonne…C’est Yvan ! Parti chercher 2 bénévoles non-motorisés ce matin, il est sur le retour, en direction du sanctuaire…mais il reste pas mal de kilomètres de piste, ils ne sont pas arrivés ! Après cette rencontre aussi improbable qu’inattendue, nous reprenons la route. Il nous faudra pédaler quelques kilomètres supplémentaires avant de se retrouver face à la mer mais la surplombant de 1400m…waouh ! Ne reste plus qu’à se régaler dans la longue descente jusqu’à Prizna

Nous arrivons à Prizna, décoiffés, et avec mal aux mains, juste à l’heure pour le dernier bateau pour l‘île de Pag. Nous comptions faire le trajet le lendemain, mais nous ne voyons pas où poser notre tente ici. Nous optons donc pour le choix de la traversée ce soir, et pour un bivouac ou un camping, nombreux, sur l’île. 

Une fois débarqué, c’est avec des yeux ronds que l’on contemple le spectacle : un désert de cailloux nous accueille. On pourrait être sur la lune… après les multiples forêts et le froid aujourd’hui, le dépaysement est total. Nous remontons une énième fois sur nos vélos, et pédalons dans ce décor irréel jusque de l’autre côté de l’île, bien plus luxuriant, à la recherche d’un camping. Peine perdue, en hors-saison, ils sont tous fermés ! Et impossible de faire un bivouac ici, c’est bien trop urbanisé, nous terminons donc notre incroyable journée, épuisés et crasseux, dans un hôtel 4 étoiles…après que nous ayons gracieusement accepté une chambre avec vue sur la montagne parce que « toutes mes excuses, nous n’avons plus de chambre avec vue sur la mer ». Heureusement, la nuitée reste bon marché, et surtout, c’est buffet à volonté ce soir…à la bouffe !

Conseil de cyclo : Le bivouac et le camping sauvage sont interdits en Croatie. S’il est toléré de bivouaquer dans certain endroit, en particulier pour les cyclovoyageurs ou randonneurs, nous vous déconseillons de poser votre tente le long de la côte en pleine saison. Les emplacements de bivouac ne sont pas nombreux et sont bien connus de la police. Nous avons opté pour des campings lors de notre passage en Croatie, car, s’ils sont assez onéreux (compter 23€ la nuit à 2), il y en a partout, et nous avions bien besoin d’une douche chaude en cette saison

Le lendemain, après une bonne nuit et un gros petit déjeuner qui nous fera également office de déjeuner, nous traversons l’île de Pag, qui s’avérera être bien plus verte ensuite, jusqu’à Zadar, où nous prendrons 2 jours « off » (sans vélo). Le premier sera consacré à la visite de la ville, qui sera vite expédiée, nous passerons ensuite notre journée à écouter l’étonnante symphonie de l’orgue marine, à déguster de bonnes choses au « festival du Thon, Sushi & Vin » et à trier nos photos, envoyer des nouvelles et mettre à jour nos réseaux dans un café, accompagné de délicieuses limonades. Le deuxième jour, nous nous payons une petite excursion dans les îles du Parc National de Kornati : l’eau est turquoise, nous faisons une longue et belle balade autour du lac salé de Dugi Otok…c’est très beau ! Nous sommes le seul bateau touristique en cette saison, la guide nous explique que l’été, aux alentours des îles, il y a plus de 800 bateaux et yachts…ah le voyage en hors-saison, quel bonheur d’être privilégié ! 

Nous quittons Zadar et roulons jusqu’à l’entrée du Parc National de Krka et ses sublimes cascades. Arrivés tôt pour la visite, nous sommes seuls à parcourir le chemin aménagé qui cours entre les chutes d’eau, sous le couvert de la végétation foisonnante de ce début de printemps. Dire que nous avons failli être rebuté par le ticket d’entrée de 20€ par personne, mais ça en valait la peine. Nous prenons le temps d’observer un serpent manger une grenouille 3 fois plus large que lui…la ressemblance avec Romain au buffet de l’hôtel à Pag est saisissante. 

Après la visite, nous effectuons une belle et chaude étape le long de la mer, en passant par Šibenik,  puis sous les oliviers. Nous bivouaquons chez un viticulteur et producteur d’huile d’olive. Pour le remercier, nous mangeons le soir dans son restaurant (poulpe et agneau cuits dans une casserole en fonte dans la braise) mais la note s’avèrera…salée ! Le lendemain, nous rallions puis visitons Trogir avant de vite pédaler pour arriver à l’heure pour la navette maritime rejoignant Split depuis le village de Slatine. En effet, nous savons que l’entrée dans Split à vélo est compliquée, car nécessite de passer par de gros axes, nous sommes donc tout content d’avoir trouvé une alternative…alternative qui, apparemment, ne se soucie guère de mettre les horaires à jour sur son site web, il n’y a pas de navettes avant le 1er mai ! Aïe notre moral du jour en a prit un coup, il va nous falloir faire un détour de 35km par des routes fréquentées pour arriver à Split ! Mais ce n’est pas comme si nous avions le choix alors en route ! 

Deux heures plus tard, nous arrivons, sains et saufs, au camping où nous retrouvons Jean-Claude et Aline, les parents de Romain, qui sont sur le retour de leurs vacances. Le lendemain, nous visitons Split ensemble et Romain en profite pour faire un tour chez le coiffeur. Le soir, après une dernière discussion autour d’une tisane, c’est l’heure d’aller se coucher. Pour nous, il suffit de tourner et abaisser les sièges avant du camping-car, car nous dormons dans la capucine. Il est 23h passé, et Romain abaisse le siège conducteur…sur le klaxon. Après une quinzaine de secondes interminables pour régler le problème et un fou rire plus long encore, il est temps d’aller dormir !

C’est l’heure des aurevoirs et nous quittons tôt le camping pour prendre le bateau qui nous amène sur l’île de Korčula. Nous souhaitions passer par une île croate, et le voyage nous gagnera quelques kilomètres puisque nous rallierons ensuite Dubrovnik, toujours par le bateau. Korčula, en hors-saison, est paradisiaque. C’est sauvage, les routes – grimpantes ! – sont calmes. Nous roulons tranquillement jusqu’à l’une des plus belles plages de l’île où, seuls ou presque, nous passerons une après-midi, entre baignade, sieste, jeux et Pokémon (eh oui, on a amené la Game Boy Color de Romain et Pokémon Jaune…la base !). 

C’est en pédalant, le lendemain, en direction du port d’où nous prendrons le bateau pour Dubrovnik que nous passons la barre symbolique des 1000km. Déjà ! On fête ça avec un bon petit déjeuner sur l’embarcadère. En mordant à pleine dent dans nos tartines, face à la mer, on se dit qu’on a bien fait de prendre la décision de partir faire ce voyage !

Arrivés quelques heures plus tard à Dubrovnik, nous retrouvons mes parents au seul camping de la ville. Ils ont deux semaines de vacances et sont venus nous rejoindre avec leur Expert Peugeot aménagé pour découvrir avec nous le Monténégro et l’Albanie

Le lendemain, nous visitons ensemble Dubrovnik, avec des centaines d’autres curieux qui nous font comprendre que le privilège de la hors-saison est terminé ! 

Nous quittons la Croatie par une route fréquentée, où nous passerons plus de temps à serrer les fesses qu’à admirer le paysage, et arrivons à la frontière du Monténégro, tout heureux de découvrir un nouveau pays !

Nous avons donc passé 2 semaines en Croatie, et si nous avons apprécié les charmes de ses villes, c’est bien pour sa nature que nous avons adoré ce pays. La côte, très belle, est malheureusement très exploitée et l’ambiance s’en ressent : les croates ne sont pas très loquaces ni très accueillants (y compris sur la route). De plus, tout ce qui touche au tourisme (visite culturelle, camping, restaurant) est franchement cher. Nous avons vraiment apprécié notre petite incursion dans le Parc du Velebit et notre excursion sur l’île de Korčula

Hvala !